La saison n’est pas terminée, mais les lumières stroboscopiques frappent quelques membres de l’équipe de baseball de la région. Si toute l’équipe n’est pas présente, elles sont habituées aux célébrations, à fêter les victoires et leur montée dans la saison. Elles n’ont pas encore gagnée mais les petits exploits riment avec les corps courbaturés qui s’agitent sous les couleurs fluorescentes des cascades et filets de néons. La populace est agitée et les corps oublient qui ils sont pour une soirée parce que l’alcool et la drogue glissent, s’égarent sous les manches et les poignets. C’est discret, tout le monde est défoncé. Dans les ténèbres de cette soirée, les lumières déforment les mouvements saturés, les visages monstrueux sont difficilement reconnaissables. La monstruosité de Jackie se confond avec l’agréable.

Jackie quitte ses quelques alliées sur le terrain pour reprendre à boire, si elle ne consomme pas de drogue, elle ouvre la gueule aux déboires. Il est peut-être tôt ou tard, mais elle ne sait pas qu’elle heure il est : on oublie les secondes, les minutes et les heures. Elles se font bouffées par l’amusement, par les danses sur les paroles chantées sur les langues indélébiles. Les lèvres se déploient habilement, comme les regards qui entre les faisceaux de lumières se défilent.

Même si elle est bien classée, même si elle le sait : elle a besoin de chasser. Elle s’approche du comptoir pour commander un verre, une boisson. C’est le Dirty Beetz dont elle prononce au serveur le nom. Puis son regard passe sur les personnes sur un côté du comptoir. Personne ne lui inspire quoi que ce soit : c’est l’ennui qui frappe, le trou noir. Peut-être que personne n’illuminera sa soirée, alors quand elle reçoit la boisson, elle se l’enfile puis part aux toilettes se remaquiller.

Face à la vitre, elle voit des femmes ivres filer, elles rigolent où font la queue vers les portes clôturées. La sportive passe du rouge à lèvres contre le lavabo trempé, elle est totalement penchée. La coureuse observe son portrait et passe un coup d’œil à l’arrière en refermant les lèvres pour étaler la couleur carmine. C’est qu’un joli minois la rend soudainement plus mutine, elle réveille une faim qui dans son ventre tambourine. Elle ne lâche pas du regard la nouvelle arrivée, celle qui vient s’aligner à côté.



HRP : je mets un code plus tard, ça se passe juste avant l'arc 1 merci

Jour de paye, jour de fête. Renata n'apprend jamais. La liasse de billets verts à peine entre ses mains, elle s'empresse de la dilapider dans les ruelles. Elle est riche, elle est puissante, et rien ne pourra la faire descendre de son high. Talons hauts, robe échancrée, pas la peine de se changer, son uniforme professionnel s'accommode à merveille aux boîtes de nuit et autres lieux de perdition. Ses préférés. Une bouteille déjà à la main – grossièrement dissimulée dans un sac en papier – elle fait son chemin sur Fermont Street. Les enseignes lumineuses l'étourdissent, l'enivrent. Une d'entre elles l'interpelle. Promesses éphémères d'une nuit de rêve. Elle laisse sa bouteille sur le trottoir, humble offrande à la ville et à ses éclopés. Que Dieu les bénisse.

La musique vrille dans ses oreilles, fait battre son cœur au rythme des basses. Son corps n'est qu'un réceptacle aux ondes sonores, elle se laisse porter par la sensation. Être rien. Être tout. Être un dans cette salle. Mais ça ne dure pas longtemps, jamais assez longtemps. Parce que voilà qu'on la bouscule, et qu'elle rend la pareille. On l'engueule, et qu'est-ce qu'elle en a à foutre ? Elle envoie un doigt d'honneur haut dans les airs et file vers les toilettes. Motherfucker.

C'est bondé, bien sûr. Mais elle va pas se gêner Renata, y'a encore moyen de passer une bonne soirée. Elle fait son chemin jusqu'au lavabo. Miroir, miroir, dis moi qui a l'air déchirée. C'est elle bien sûr. Elle observe son rouge à lèvre pratiquement effacé. Montre ses dents – pas tâchées, merci. Assez. Elle préfère oublier ce corps, retrouver l'extase de tout à l'heure. La musique. La basse. L'unité. Se calmer.

Le cylindre entre les lèvres, elle fait jaillir le feu de son briquet. Elle sent un regard sur elle. Lourd. Retour du terre détestable. Elle souhaitait oublier les gens autour d'elle, c'est pas gagné. Ça en est une autre qui veut se battre ? Pour la première fois, Renata accorder de l'attention à sa voisine directe – la tête qui se retourne, exagérément penchée de côté, les cheveux qui semblent vouloir la tirer vers le sol.

« What ? »

Elle exhale la fumée, droit devant, dans le visage de l'autre. Toise de haut en bas celle qui vient troubler son moment à soi.

Jeu de regards. Renata toise, immobile, attentive – en attente d'un signe, n'importe lequel, d'une promesse d'un thrill, une échappée éphémère à la mortalité. Elle pensait se battre. Le regard que lui envoie la jeune femme lui raconte une autre histoire. Ok, ok, voyons voir où ça va. Elle reçoit le compliment comme une simple politesse.

« Thanks babe. Ton rouge est pas mal non plus. »

La cigarette retrouve ses lèvres. La tête redevient droite. À son tour elle regarde, curieuse cette fois. Vrai le rouge à lèvres est mignon. Le minois qui le porte, aussi. Elle esquisse un sourire – à peine. Elle ne veut pas déclarer aussi franchement son jeu. Et puis, c'est amusant de se faire pourchasser. Ça lui donne des frissons, ça la fait vibrer au son étouffé de la musique. Yeah, just like that. Elle retrouve son thrill.

Elle n'acquiesce pas, pas directement. Une longue volute de fumée s'élève au-dessus d'elles. La cigarette entre ses doigts s'écrase sur le comptoir détrempée. Pas d'incendie ce soir, juste la crasse et la suie. Ça lui convient. Renate tend galamment la main devant elle – geste calculé, trop féminin, trop conscient – pour l'offrir à la jeune femme.

« Ne me fais pas regretter. »

Ne me fais pas perdre mon temps.
Elle n'a que ça à perdre.