Like troubled water running cold

Il connaît l’horreur des mots lourds prononcés avec un sourire suspendu aux lippes. Il les méprise, les a tant détestés et rejetés et pourtant à ce moment-là, il n’a pas su faire autrement. Il n’arrive pas à se projeter, se dire que son avenir sera radieux ; il se voit marcher sur les traces de son frère. Il est devenu un être vindicatif, ne vit que pour laisser place à sa colère muette. Il marches sur les traces d’un idiot et le devient tout autant que lui. Et alors que tu semblais ravi par le thé qui t’attendait, ta voix est glaciale ; non. Ezechiel lève le regard, lit la frustration dans ton regard et surtout, il se voit lui. Tu lui ressembles, lorsqu’il était également écuyer, il protestait de la même manière. Lorsqu’on l’a poussé à devenir Paladin, il s’imaginait inccapable, il faisait face à un mur. Oh que oui Eden, tu lui ressembles beaucoup trop pour qu’il n’en ait pas le vertige.

Tes mots font écho à ceux qu’il a prononcés il y a un peu plus de trois ans, ils sont le retour en décalé de son propre reflet. Pourtant, la fatalité l’a rattrapé et c’est pour cette raison qu’il souhaite t’y préparer ; comme on l’avait prévenu, il voulait te prévenir. Mais tu es comme lui, Eden, tu refuses d’écouter et un jour le ciel te tombera dessus comme il s’est abattu sur lui. Damoclès n'attend que de s’abattre sur ses victimes et il est impossible de l’ignorer.

Il pose la tières sur le comptoir, laissant le seul bruit de la fonte claque contre le bois. Il l’entend, mais il ne peut l’accorder. Tu te trompes, Eden. Ca le tue de devoir briser les espoirs que tu as placés en lui. Il n’est ni grand, ni fort, ni puissant. Il a été lâché, il a été faible. Il a simplement appris à vivre avec ses peines et sa haine. Un jour, je ne reviendrais pas. Parce qu’il a puisé bien trop de foi dans son souffle, qu’il a misé sur sa vie quand tu ne le regardais pas ; parce qu’il ne s’est jamais épargné. Alors, si ce n’est pas l’ennemi qui l’aura, il sera l’auteur de sa propre perte. Il s’avance, pose une main sur le sommet de ta tête et ébouriffe tes cheveux comme Fye le faisait avec lui. Tu es plus fort que tu ne le crois, mais tu dois toujours être prêt également. J’étais comme toi, j’ai refusé d’y croire et un jour, on est venu me chercher. On est venu me dire que j’étais Mordred. Je ne m’en suis jamais senti à la hauteur. Aujourd’hui encore, par moment il t’arrives à douter en secret. Il retire sa main pour revenir à ses occupations, attrape une boîte à thé d’un grand cru de chine ; parfum légèrement acidulé et boisé. Il fait infuser les feuilles, à température idéale.  Le thé noir s’infuse toujours à quatre-vingt dix degrés. Comme si de rien n’était, comme s’il ne savait pas que ses mots étaient d’un bouleversant. Il regrette d’emprunter ce chemin. Il ne sait juste pas comment te le dire autrement. Puis tu laisses 4 à 5 minutes dépendant de la variété. Il appuie sur le minuteur. Compte à rebours des horreurs qu’il est encore capable de prononcer derrière le masque de Mordred.