La nuit avait été mouvementé. Ezechiel avait croisé la route de plusieurs monstres ce soir là. Certains n'ont pas eu de chance, ses lames finirent par avoir raison de leur être. D'autres, avaient semblé plus fuyard et leurs précautions leurs avaient valu d'être sauf. La prochaine fois, il ne le laisserais pas filer. L'aube venait sauver les âmes en peine. Avant que le soleil ne soit trop haut dans le ciel, le jeune paladin se mit en route pour rentrer. Une bonne douche s'imposait, ainsi que quelques heures de sommeil. Heureusement qu'il n'avait pas à ouvrir la boutique pour la journée.

Chez lui, quelle ne fût pas sa surprise lorsqu'il découvrit qu'il n'avait plus autour de sa nuque son porte-bonheur : une bague. Cadeau de sa jeune cadette, il portait le bijoux sur une chaine en argent. Il fouilla partout dans les poches de son manteau, son jean, son sac : rien à y faire, elle n'était pas là. Il soupçonnait de l'avoir fait tomber durant la bataille de cette nuit. Pourtant, quand bien-même son apparence était unique : retrouver un tel objet dans tout Los Angeles c'était peine perdu.

Irrégulière l'avant de l'objet formait comme un "V". Elle était elle aussi en argent, mais devenue bien trop petite pour les mains de son propriétaire. Sur le dessus, des motifs traditionnels rappelaient un mouvement de vagues. Les plages de Busan, les baleines adorées de Fye. A l'intérieur de l'anneau, son nom de naissance en Hangul. Celui qu'il n'utilisait plus depuis quelques années maintenant.

Sa jeune soeur le lui avait offert lorsqu'il était rentré après la mort de Fye. Pour lui rappeler qu'elle était toujours là, pour lui. Depuis, jamais elle ne l'avait quitté. Un large sentiment d'amertume s'empara de lui. Mi-agacé, mi-triste de ne pas avoir fait plus attention.

Il se rend à l'évidence : rien n'allait changer à s'en plaindre. Il prit une douche, trouva difficilement le sommeil malgré la fatigue et s'est décidé plutôt à occuper son esprit. Très souvent, il se rendait chez l'herboriste du côté de San Fernando Valley. Skye, le propriétaire était un chic type. Il appréciait leurs échanges et sa compagnie. C'était presque un ami depuis. Il arriva tôt à la boutique, glissa son nez dans le creux de la porte. Skye ? Désolée, je débarque un peu tôt t'as pas encore ouvert ? Il se le permettait parce que Skye ne l'avait jamais fait culpabiliser d'arriver un peu trop tôt ou tard. Il berce le propriétaire d'un sourire. Dis-moi tu aurais reçu ma dernière commande ? Il manquait d'un petit stock de différents thés vert pour sa boutique et d'autres pour son usage personnel. Et t'aurais quelque chose la relaxation, ce matin, j'ai un peu de mal. Ahaha. T'as pas l'air d'avoir la grande forme, t'as eu une sale nuit toi aussi ? Il s'imaginait bien des choses du commun pour Skye : une nuit malade, des cauchemars, une série trop prenante. Une routine qui ressemblerait à celle des gens "normaux".

Skye avait ce don certains pour mettre les autres à l'aise. Il dégageait une énergie qui laisserais n'importe qui se détente à son simple contact. C'était peut-être une des raison qui avait emmené Ezechiel à le fréquenter. Non seulement, c'était un très bon herboriste, et bien l'un des seuls à dénicher les petites pépites en villes, mais aussi une compagnie des plus agréable. Le plaisir semblait partagé, lorsque le paladin et client entendit le petit surnom affectif que lui avait doré son interlocuteurs. Il s'esclaffa doucereusement. Il trouvait l'appellation adorable face aux horreurs dont il était capable. Détail qu'il garderait, bien évidemment, pour lui.

Tu es toujours aussi efficace, c'est fou. Vraiment, un bonheur que d'avoir un prestataire aussi impliqué. Si tous pouvaient être des Skye, il le dupliquerait à volonté.

J'ai toute la matinée devant moi, j'ouvre pas le salon avant ce soir. Il s'accordait en semaine, le droit de se reposer quelque peu. Disons qu'il avait besoin de rattraper de temps à autre, les heures de sommeil qui lui faisaient défaut pendant ses rondes nocturnes. Il n'était pas un oiseau du soir, mais cette double vie l'avait bien forcé à devoir s'habituer au rythme de ses proies. Tu passes même des nuits à faire de la recherche ? Tu m'étonnes que ton service est impeccable. T'es beaucoup trop dédié, Skye. Tu devrais te reposer aussi ! Il le pense sincèrement. Il s'inquiète pour lui, après tout, c'est un ami. Ezechiel s'installe sur une chaise, malgré tout bien heureux de ce verre qu'on lui offre. Il ne dira jamais non à une tasse de thé après une nuit si rude.

J'ai l'impression qu'on prend soin de moi, j'adore. Il était du genre à toujours être en alerte, alors il s'imaginait pouvoir baisser sa garde une fois l'aube arrivée. Il est loin de s'imaginer toutes les choses qu'il ignore encore. Il essaie au contraire, de les oublier. Une drôle façon que de s'échapper en compagnie de celui qu'il ignore son ennemi.

C'était agréable de pouvoir se sentir aller, de pouvoir profiter d'un instant sans tourment. Pendant quelques instant, il avait la sensation d'avoir une vie normale. De ne pas avoir à se préoccuper de l'avenir de l'humanité, des tourments de la nuit. Le soleil dominant le ciel, l'odeur du mélisse : c'était une forme de définition au bonheur.

En attendant la préparation du thé, Ezechiel avait sorti un carnet et commençait à noter quelques idées de nouveaux desserts et mélanges. Les différentes odeurs de la boutique éveillaient en lui des envies de nouveauté. Une envie de déguster sucré. Le thé servit, il sourire s'étira sur ses lippes. Il avait reconnu les arômes flottantes dans l'air. Seul le goji manquait à l'appel dans son imaginaire.  Rien qu'à l'odeur, c'est un régal. C'est doux et sucré. Il laissait la vapeur remonter à son visage et détendre tous ses muscles.  Je vais finir par te piquer le mélange pour la boutique ! Elle aurait un succès fou à la carte, il n'en avait aucun doute. De plus, elle serait également bénéfique pour ses compères après leurs tournées nocturnes.

Puis, vient le sujet du vinaigre. Lorsqu'il entend Skye lancer le sujet, le paladin a comme un petit pincement au coeur. C'était pour sa bague. Celle qui ne le quitte jamais. Il regarde le bocal le narguer sous ses yeux. Il allait devoir lui trouver une autre utilité que l'entretient de son précieux. Son sourire se fane légèrement, il se force à ne pas venir laisser ses tristes pensées peser dans la bienveillance de son interlocuteur. Il commence à formuler un mot de remerciement pour ne pas faire de peine, mais avant même d'en venir à bout, il voit rouge.

Lorsque l'anneau rencontre ses yeux, il le reconnait immédiatement. Il n'y en avait pas deux sur terre de similaire. Il connaissait chacune de ses gravure, chacun de ses défaut, de ses imperfection. Ce qu'il connait encore plus : c'est la situation dans laquelle il l'avait perdu.

Il l'avait pourchassé toute la nuit.
Lui non plus n'avait pas dormi.

La nuit avait bien des perspective à offrir, pourquoi fallait-il que ce soit celle-ci. Il n'est pas dupe. Un tel hasard, ce serait presque trop beau. Son instinct lui crie : tu connais la réponse. Il le sait, il le sait, il le sait, et il bouge. Il sort de sa poche un canif qu'il garde constamment sur lui, renverse la table et le propriétaire des lieux. Il bloque ses mouvement, glisse la lame sous sa gorge. C'est un monstre. C'était un putain de monstre.

Et aux démons, il prend la vie. A quoi tu joues exactement, Skye ? Plus de sourire, plus de voix douce et d'intonation mielleuse. Le regard froid, la voix grave. Mordred ne le quitte jamais. Je te cours toute la nuit après et tu me nargues après toutes ces années par notre amitié ? Ses mains le démangent, son souffle aussi. Elle lui susurre de voler sa vitalité. De l'arracher à ses longues années de vie. Pourtant, il ne l'a pas encore tué. Non. Même s'il se moquait de lui, il reste curieux, en l'honneur de leur amitié de ce qui avait bien pu l'amener à se dévoiler. Si tu as cette bague, c'est que tu dois avoir découvert qui je suis. Protecteur. Paladin. Mordred. Qu'importe. Tu tiens si peu à la vie ? Tu aurais pu agir comme si tu ne savais rien. Il se condamnait en se révélant. Lui, le monstre fuyant. Alors, pourquoi fallait-il qu'il brise cet idylle.