THÈME – Un concert à Los Angeles ; des corps qui s’élancent, des têtes qui se hochent, haut, bas, des refrains chantés en connivence ; sur cette scène, Blake prend enfin conscience de la beauté de ce genre de moment. Un public qui chante à l’unisson ne peut pas être dans la fausseté. Il saute dans tous les sens, s’époumone, vie cet instant comme si c’était le dernier. Il n’est plus celui qui fuit les flics pour ne pas être retrouvé, il n’est plus ce petit voyou et tocard du quartier. Non, aujourd’hui c’est un homme, qui rap comme si sa vie en dépendait ; de toute façon, il sait rien faire d’autre. Une heure et quarante minute de concert, à s’en déchirer les cordes vocales, à transpirer autant de sueur qu’il n’a lâché de larmes durant l'entièreté de sa vie. Il se sent en harmonie avec le monde, même lorsque le rideau tombe et que la pièce est plongée dans la pénombre. Rejoindre les coulisses est une épreuve, car ses pieds ne souhaitent pas quitter cette estrade. Il est si bien, beaucoup trop bien qu’il se demande de quoi sera fait demain. Se projeter, vouloir revivre directement un instant volé, comme ce soir…

Mais non, toutes les bonnes choses ont une fin.
Alors il est temps pour lui de revenir à la réalité.
Et surtout d’aller signer des autographes et
S e r r e r des m a i n s

Quitter la chaleur de la salle de concert pour la fraîcheur de la brise de l’hiver, emmitouflé dans un pull noir en taille double XXL, les mains dans les poches de devant, entouré de quelques garde du corps. Des gens scandent son nom et c’est bien un truc auquel il ne s’habitue pas. Il reconnaît des visages dans la foule, des fans qui le suivent depuis les débuts, qui lui écrivent des lettres, qui s’identifient à ce qu’il écrit. Blake, il ne s’en balek pas de ces jeunes, ni de ces vieux ; bien au contraire. C’est grâce à eux qu’il est là, qu’il peut vivre une vie enfin descente, ce sont eux qui lui ont fait quitter le lampadaire comme oreiller et le trottoir comme matelas. Des mains sont checkés, des câlins sont donnés, des autographes sont signés… Et une insulte est scandée. Son regard se détourne et son sourire s’efface aussi vite qu’il est né. Il voit ce gars, éméché, qui s’approche. C’est encore ce mec, à qui il a refusé sa première partie, beaucoup trop commercial à son goût, manquant de tripe. Ce qu’il y a de bien avec la critique constructive, c’est qu’elle est souvent mal prise.

Un haussement d’épaule, alors qu’une bouteille vide vole à côté de lui, manquant d’assommer un jeune. Les éclats de verre volent dans les airs, lui égratignant la joue au passage, repoussant la foule pour éviter un drame. Les gardes du corps gère la panique, mais Blake s’en écarte, s’avançant vers le faiseur de trouble, les mains de nouveau dans les poches. Un dialogue commence, mais très vite les insultes fusent du côté de l’alcoolique offensé… Mais le rappeur reste de marbre. Imperturbable. Ce qui a le don d’énerver encore plus son interlocuteur qui le pousse sans ménagement. Mec. Tu devrais te calmer. Un conseil avisé alors qu’il commence peu à peu à perdre patience. Ne pas succomber à la rage, ni à la colère ; il a fait un travail sur lui-même, il était hors de question de replonger… Mais dès lors que ça parle de sa vie passée, d’informations erronées, d’un amour brisé, le sang lui monte à la tête. Comment est-ce que t’es au courant de ça, qui t’en a parlé ?!

Il y a des choses qu’il a préféré oublier
Qu’il a enfoui, laissé caché.
Et ce sombre enculé
Vient de le lui rappeler

Il ne lui laisse pas le temps de répondre que son poing s’abat sans ménagement sur son faciès. Les gardes du corps n’arrivent pas à gérer la foule et encore moins l’attroupement qui s’agglutinent à leur tour. Les flashs de téléphones ne lui parviennent pas, seule la colère l’inonde. Demain, il se trouvera très certainement immonde, mais pour l’heure, Blake cherche juste à comprendre et surtout, à évacuer sa rage. Car il y a des mots qu’il n’accepte pas. Des coups sont reçus, des coups sont donnés, c’est aussi rapide que lorsqu’il gratte le papier quand il est inspiré. Un coup de tête, il se pète lui-même le nez, mais Blake n’en a rien à faire, l’adrénaline l’empêche de vaciller. La douleur, il s’en souciera demain, il a un honneur à protéger ((et une ancienne histoire à défendre.)) Mais voilà, comme un concert qui finit en apothéose, toutes les bonnes choses ont une fin, même une baston pour défendre quelqu’un qui n’est pas là… Des bras l’attrapent, le ceinture, alors qu’il crache du sang par terre, un regard en chien de faïence à toi qui vient de lui ôter le plaisir d’en découdre. Lâchez moi putain, il va pas s’en tirer comme ça ! Se débattre de toutes ses forces, mais avoir encore la lucidité de ne pas taper celui qui tente de le contenir. Il entend l’autre enculé rire, se foutre de sa gueule, en rajouter une couche ; appuyer là où ça fait mal. LÂCHEZ-MOI JE VOUS DIS, J’VAIS M’LE FAIRE ! Mais Blake ne parvient pas à se libérer de ta prise, il est cloué au sol et les menottes aux poignets l'empêchent désormais de se mouvoir.

PUTAIN DE FLIC, LÂCHE MOI BORDEL, IL VA PAS S’EN TIRER COMME CA, DÉTACHE MOI PUTAIN ! T’as beau lui lire ses droits, Blake n’en a rien à carrer. Il ne souhaite qu’une chose, laisser sa haine exploser. Et défoncer ce fils de pute, qu’à l’air d’avoir un peu trop fouiné dans son passé.

// est-ce qu'on aime le d r a m a
oui on n'vit que pour lui fufufu ♡