T'enfiles ton uniforme, le regard sombre, prête à prendre l'une des dures décisions qui parsème désormais ta vie. Gants, couvre nez, queue de cheval, ton identité plus ou moins masquées. Lunettes fumées, casquette du SWAT bien vissée sur ta petite caboche que tu vide de pensées. Pas besoin de réfléchir. Tu te le répète alors que tu grimpes les étages jusqu'au toit avec ton spotteur. Tu mâche un chewinggum pour te détendre, ton arme dans ton dos, te faisant paraître si petite en comparaison du fusil qui est devenu ton compagnon.
Une prise d'otage à Santa Monica, quoi de mieux pour un jeudi soir. Les monstres sortent toujours tard le soir après tout. Qu'ils soient humains, ou bien ai jeté leur humanité dans le vaste océan de monstruosité.
Tu les détestes.
Ils t'ont tout prit. Ton amour d'adolescente, ton innocence, tout. Tout.
Alors tu t'installes en haut de la tour d'immeubles, les sourcils froncées, la main pourtant habituée. A ce fusil que tu peux monter et démonter les yeux bandés, fermés.
Tu ouvres la lunette, les ordres de ton chef dans ton oreillette.
Puis tu sens ton coeur s'arrêter, lorsqu'enfin tu reconnais l'homme qui se dresse face au démon.
Tu murmures malgré toi, incapable de t'en empêcher.

"Fye..."

Fye. Fye. Fye ! A bout portant d'un pistolet qui pourrait bien l'emporter, lui, que tu avais cru mort depuis des années. Tes dents sont désormais serrées. Jamais, non jamais tu ne laisserais personne l'emporter. Pas avant que vous ayez pu ne serait-ce que parler. Ton esprit, habituellement si calme, est désormais remplie de pensées. Pourquoi avoir fait le mort ? Pourquoi avoir disparu ?
Il devait avoir ses raisons.
Oui.
C'était logique. Il devait avoir des circonstances extérieures. Ezechiel avait dû mal voir. La blessure ne devait pas avoir été mortelle. Il avait dû paniquer en voyant un incident similaire se répéter face à lui. C'était si logique.
Ah. Tu te voiles la face. Comme tu le fais si bien désormais. Mais ça te permet de te calmer. De souffler pour te préparer à tirer.

"Arrows. Cible en visuel. Demande l'autorisation d'ouvrir le feu. Civil en danger."

Bref, pas courtois, mais c'est le jargon du métier. Et jamais tu n'autoriseras un monstre, humain ou non, à te prendre quelqu'un une fois de plus. Tu souffles sous ton masque, te préparant déjà à l'autorisation que tu sens venir. Habituée.
Tu descends ton doigt sur la gachette, prête.

Et quand l'autorisation arrive, après trois avertissement, tu te laisse aller, laisse le recul secouer ton petit corps entraîné. Faire vibrer tes bras musclés.
Et avant même qu'on ne puisse t'y autoriser, tu ranges ton arme, descendant les escaliers en courant, expliquant rapidement à tes coéquipiers.

"Désolée, j'peux pas attendre, je connais l'une des victimes, celui qui était au nez du pistolet, oui, désolée-"

Tu t'excuses, encore et encore, alors que tu dévales tout en courant, le coeur battant. Tu déposes ton arme à tes coéquipiers, empressée, avant de te précipiter dans le bâtiment, ignorant le corps de l'homme inconscient dont tu viens te permettre l'interpélation, postant à la place tes deux mains sur un visage qui se veut familier.

"Fye. Fye."

Les ambulanciers s'occupent déjà des victimes, et l'on essaie de te l'arracher mais tu les repousse, secouant les mains sur ton uniforme alors que tu baisses ton masque, te fichant bien des procédures alors que les mots trébuchent en dehors de tes lèvres.

"Fye, t'es en vie, tu tu... Tu avais disparu..."

Tu te reprends, les yeux luisant de larmes que tu te refuse à laisser couler pour l'instant, le poids de ton armure se faisant finalement sentir alors qu'un souffle échappe ton corps qui paraît si petit en uniforme. Pas la carrure d'une femme qui aurait presque tué un homme.

"C'est Lexie. J'suis Lexie. Tu te souviens ? Tout va bien ? Oh putain si tu savais-"

Mais on te l'arrache à nouveau, te sommes de te reprendre, de quitter ton uniforme avant de pouvoir aller le retrouver. Collègues compréhensifs, pas intrusifs, mais qui se doivent de te rappeler à l'ordre alors que tu te laisses aller. Choquée.

10/12/2022


Quel con.
Quel incroyable con.


Je ne pouvais pas rester sage au moins une fois, une soirée, dans ma putain de vie hein. Non, évidemment que non. Faut toujours que je me démerde pour me foutre tellement bien dans le pétrin, comme si c’était plus fort que moi. J’dois avoir un addiction à ça; genre me mettre en danger ça me fait me sentir vivant. Soit ça, soit le Karma aime beaucoup trop me faire des fucks avec le sourire.
Fait chier.


Jeudi soir. Eh, franchement, y' avait pas plus quelconque comme jours pour sortir faire des courses. Qui aurait cru que c’était le timing choisi par des malfrats pour semer le chaos. Alors voilà, à l’étage de ce magasin, un pot de crème glacée à la main, j’ai entendu des cris et les gens s’affoler. Un instant plus tard, l’ensemble des clients était sommé de se réunir au même endroit.


Pas grand monde de sorti comparé à un samedi ou à une période de promo, mais suffisamment pour attirer la racaille en manque d’argent et de violence. Enfin, à leur place, j’admet que c’est plus simple de gérer un petit groupe qu’un amas de citoyens paniqués. Pour autant, ce n’est pas une raison pour braquer un commerce et pointer une arme sur de parfaits innocents, venus simplement dépenser leur salaire pour une baguette de pain et quelques fruits.  


Je l’ai sentie monter, la colère. Celle qui naît des entrailles de l’injustice. Couplée à la flamme de l’adrénaline, je m’étais pourtant juré de rester discret. De gérer. Contrôler. Ne pas exploser. Un travail de longues années, qu’en ce jour encore, je tends à peaufiner. Alors voilà, je me suis dit, Ok Fye, tu restes à l’arrière. Et tu pries pour que chacun obéisse, que les braqueurs ne sévissent.  


C’est là qu’il bat encore en moi. Des tréfonds de l’âme, le corps encore signé de son nom.
Mordred.
Jamais Mordred n’aurait laissé une telle situation s’installer.
Dégénérer.


Alors quand la vieille dame crie, en proie à la panique, son vieux cœur soumit à une pression incontrôlable, et que le braqueur la prend pour cible, il ne peut s’empêcher d’intervenir. Et les restes du Paladin en latence s’animent; je fais barrage entre le canon et la victime. Je mentirais si j’assurais que ce n’était que ça. J’ai toujours été de ceux qui s'interposent et qui défendent, même externe au conflit. Même avant Mordred. Alors oui, c’est mon incapacité à rester sagement derrière qui me vaut, à cet instant là, d’être littéralement prit en otage. Une arme pointée sur la tempe pour m’inciter à ne plus bouger.


Ah… s’il savait.
S’ils savaient tous.
Que cette balle n’aura aucun effet. Ou du moins pas mortel. Que mes cellules, ces cellules pourries par la crasse d’un Monstre, me permettrait d’y survivre. Mais qu’en diront-ils, de voir un mort revenir à la vie, la plaie se refermant comme un film au ralenti. Grillé. Je serais grillé. Pour le peu que quelques-uns connaissent l'existence du monstre. Et même sans ça, un gars qui survit à un tel coup n’est juste… pas normal. Ou incroyablement chanceux.


Voilà pourquoi, sale petite racaille, même si ma force dépasse de très loin la tienne, je ne peux prendre le risque d’être blessé. Ni que, par ta panique, tu ne blesses quelqu’un d’autre. Alors il va me falloir fulminer en silence. Rester sagement les mains en l’air, à genoux, pendant que ton comparse vide la caisse et dépouille les clients.
Fait chier. Même en intervenant sous l'étendard d’un Chasseur, je suis censé garder le secret de leur existence. Et je doute que mes talents de boxe soient une preuve suffisante pour mettre à terre deux hommes armés.


Et quand les corps se serrent, quand la peur les rassemble et que les pleurs cherchent à se faire discrets, tu frappes.
Tires.
Toi là haut que je ne vois pas encore.
Terrasse la menace d’une balle bien ciblée.
Les cris résonnent quand le corps s’effondre. Alors je m’empare de l’arme, à deux mains, la pointe sur le complice qui n’a rien vu venir. Ne bouge plus.


Le soulagement s’engouffre par les portes défoncées par la police. Les pleurs résonnent, les poumons se relâchent et la tension se dissipe.


Les flics accourent dans un hurlement d’encouragement et d’ordres à suivre. Je lève les mains, laisse pendre le flingue tenu par la gâchette. Avant d’avoir pu proclamer mon innocence, ce sont les témoins qui me défendent, relâchant la méfiance des autorités supérieures. Je rends l’arme alors que les ambulanciers s’empressent de déposer sur chaque épaule une couverture de survie. Un flic s’approche, me propose de m'asseoir, probablement pour me poser des questions.


Et tes pas résonnent.
Précipités.
Paniqués.
Tu martèles le sol comme si tu avais un avion à prendre ou un passager à arrêter.


Tu déboules avec vitesse, éjectant sans le vouloir ton collègue. Et tes mains, froides, se plaquent sur chacune de mes joues.
Mon prénom sur tes lèvres, je connais ta voix. Ton visage caché par ton masque m’empêche de te voir.
Mais je suis certain de moi.


Lexie…


Je n’en reviens pas.
Tu pousses les ambulanciers venus déposer la même couverture argentée sur mes épaules. Et tu lèves ton masque. Tes yeux brillent de larmes et ta voix tremble sur les mots que j’aurais souhaité ne jamais avoir à t’infliger.
Revoir ton visage, si pur, l’éclat de ton regard, si sincère, mon cœur se serre à l’idée d’avoir encore blessé quelqu’un qui pourtant m’était cher.  


▬ Bien sûr… bien sûr que je me souviens de toi…


J’admets, je peine à en placer une sous ton débit de paroles et les gens qui essaient de s’intercaler. Lex-... et c’est reparti, un ambulancier s'excuse, un de tes collègues te tire à part.


Prise de tension et véritable interrogatoire, j'ai du mal à me concentrer quand je sais que tu es là. Dissimulée derrière un étalage, je vois ton dos soubresauter alors que tu délaisses ton uniforme. L’un de tes collaborateurs semble aussi avoir des choses à te dire quand l’autre m’informe que c’est toi, la tireuse.
Lexie, ma petite Lexie. Je t’ai connu il y a trois ans, cherchant encore à prendre confiance et regarde ce que tu es devenue aujourd’hui. Une brillante policière. J’ai le cœur qui fond lorsqu’après avoir refusé une énième fois de faire un tour à l’hôpital, on me laisse enfin tranquille.


A pas lents, je m’approche de toi.


▬ Lexie…

Et quand tu te retournes, c’est l’émotion qui prend le pas et mes bras qui se referment sur toi.
Une étreinte sincère et forte. Celle de deux amis qui se retrouvent après une longue séparation. J’envoie chier les problèmes à cet instant. Refusant de penser aux explications ou autres inconforts. Je veux juste te serrer dans mes bras.


▬ Attends attends… je me décolle, prends ton visage entre mes mains. Laisse-moi te regarder… Je scrute tes traits, m’assure, je ne sais pas pourquoi, que c’est bien toi. Le rire cristallin aux lèvres. tu n’as pas changée. Toujours aussi belle. Je perds une main dans tes mèches blondes. Joli tire. On m’a dit que c’était toi qui avait tiré. Alors comme ça, on a rejoint les flics, Arrows ?  

Et je me souviens encore, comme si c'était hier, de la jeune fille encore un peu maladroite et peu sûre d'elle. J'ai mentis je crois, tu as bien changée.
Et ça te va bien.

Tu te changes à la vitesse de l'éclaire, restant en t-shirt de police, et cargo assortit, tes rangers lourdes à tes petits pieds. Tu peux à peine respirer alors que tu enfiles ta casquette et ta veste de civile par dessus ton uniforme, auparavant oublié dans le camion de ta team. Tu les laisses repartir avec tes affaires, les ayant confiés à ton chef alors que tu laisses la pluie te laver une minute avant que enfin, enfin il ne soit libéré.

Tu rougis à son commentaire, encore et toujours incapable de cacher tes émotions, comme tu l'as toujours été alors que tes yeux larmoient et que tu viens le serrer contre toi. Tu relève ta tête pour l'observer encore et encore, vous poussant sous le couvert de l'entrée du supermarché. Plus musclées qu'il y a quelques années.
Tu humidifie tes lèvres, mettant de l'ordre dans tes pensées alors que tu réponds enfin à sa question.

"Comme si tu t'en doutais pas, avec mon caractère."

Justicière jusqu'au bout des ongles. Probablement l'une des raisons pour lesquels tu t'entendais si bien avec Mordred. Puis tu jettes un coup d'oeil à des collègues que tu ne reconnais pas qui vous fixent. ça va jaser au commissariat. Alors, à contre-gré, tu te retires de l'étreinte, prenant ta casquette et la posant sur sa tête. T'es assez saine pour savoir que s'il avait disparu de la circulation, c'est qu'il devait avoir ses raisons. Alors vous attirer les regards des policiers ne lui fera rien de bon.
Une fois la casquette bien vissées sur ses cheveux roux, tu attrapes sa main, l'entraînant vers un café assez loin, lui glissant un simple "Viens."

Le café est sobre, vide de clients à cause de l'heure tardive, et probablement de la pluie qui en aura fait fuire nombreux. D'ailleurs, celle-ci se lève dès que vous arrivez, comme une invitation à profiter de l'air nocturne qui s'installe sur la jetée. tu te commandes un café glacé malgré le temps, tes goûts n'ayant pas changés alors que tu gardes ta main dans la sienne, rassurer de le sentir en vie à tes côtés. Et dès que vous remettez les pieds dehors, c'est l'heure du sermon. Tes yeux se font ombrageux alors que tu poses ton doigt sur son torse, grondant.

"Qu'est-ce qui t'as prit de jouer les héros hein ?! Si une balle traverse ton crâne, c'est la fin espèce de malin !" tu le foudroye du regard. "On est réactif tu sais, j'aurais tiré avant que quiconque ne soit blessé !"

T'as eu la peur de ta vie. De le voir en vie. Et si près de la mort aussi.