Mai 2023
Colombia Falls, Montana, Etats-Unis
Il a été plus que compliqué de rentrer dans le comté de Flathead et depuis votre arrivée à Colombia Falls, vous êtes poursuivis. Peut être que c'est parce que vous êtes des étrangers, mais en tout cas, une chose est claire; vous n'êtes pas les bienvenus ici. Il faut dire que vos têtes de paladins sont bien connus des protecteurs locaux.
Vous avez réussi à vous enfuir de votre motel, entouré de ces pickups repeint aux couleurs du drapeau américain et vous le savez, leurs conducteurs ne sont pas des monstres. La preuve, vous l'avez entendue. Un homme, mégaphone à la main, semblait crier aux autres que votre arrivée est la preuve de l'apocalypse et que seuls les fidèles survivraient au grand ravissement divin.
Il est 4h30 du matin. Il fait nuit. Vous êtes arrivés à West Glacier, 261 habitants. C'est d'ici que le dernier appel au QG a été réalisé, il y a six mois. Il est tôt, certes, mais vous pourriez peut être tirer les vers du nez de quelqu'un, où fouiner dans la caravane du protecteur qui a appelé San Francisco quelques mois plus tôt.
À vous de jouer.
N'oubliez pas, dans le cas où vous êtes coincés, nous nous permettrons d'intervenir, mais nous n'interviendrons peut être une à deux fois maximum. C'est à vous de faire vivre la mission ! Soyez créatifs, n'hésitez pas à faire vivre de vraies aventures à vos personnages.
Le printemps maladif avait chassé l’hiver triste. Serein, il méprisait la saison lucide et morbide. Des crépuscules blancs laissaient la place à des aurores tièdes au-dessus ton crâne. Le soleil ne perçait pas encore l’horizon et les allées criaient dans de long silence d’agonie. Les oiseaux ne chantaient pas. Aucune âme ne vagabondait sous les lampadaires encore luisants. Des murs crépis, des toits mousseux où dans l’antre de quelques maisons de la ville, les braises se consumaient lentement, crépitant et enfumant les cheminées. La nuit frappait encore à la porte dans son long manteau de froid.
Tu entendais le chien sursauter en longs abois devant les rares travailleurs se déplaçant presque à tâtons dans l’obscurité décroissante. Le destin paraissait avoir figé l’endroit dans une ambiance hors du temps. Quelque chose se passait ici, dans les matins bleus et les soirées lourdes. Un sentiment d’appréhension te traversa de part en part, te tirant un tic d’agacement.
West Glacier ressemblait à une bourgade de campagne, hantée par des fantômes et soumise par la force des hommes. La joie ne trouvait plus sa place, l’heure sonnait à la folie destructrice et aux illuminés. Tu attendais dans le calme plat et alourdi de l’heure éternelle. Tu tendais l’oreille dans la probabilité d’une nouvelle fuite. Après tout, des fous vous avaient poursuivi sur plusieurs kilomètres, au volant Fenrir n’avait pas perdu son sang froid. Et toi ? Tu aurais lancé ta faux sur leur 4x4 pour éviter de les avoir dans les pattes. Seulement, tu aurais planté ton arme sans moyen de la récupérer.
Il faisait noir. Le soleil s’était noyé dans le sang épais des survivants. Que se passait-il ? Qu’est-ce qui avait bien pu conduire ce comté à se couper du monde et d’autant plus à vous accueillir avec tous les honneurs que vous méritiez ? Le dernier appel du QG, six mois auparavant, avait été le dernier. Le brouillard léger s’écartait sous votre passage. Vous n’avez rien de commun, deux armoires à glaces aux armes atypiques et aux visages connus par tous les protecteurs des États-Unis. Ils étaient rares de voir deux chevaliers de la mort et paladin de la table erraient dans les mêmes secteurs, encore plus de mener à bien une mission commune.
Il te manquait ta dose de ton café bien noir. Les heures s’accumulaient sous tes cernes bleutées. Les murs impénétrables se succédaient et les battants verrouillés rappelaient leur accueil défavorable à votre présence. Ils se confinaient derrière leurs murailles dans l’espoir de vous voir partir. Tu étiras un rictus mesquin. Ô que tu souhaitais quitter ces lieux, mais une responsabilité pesait sur tes épaules, depuis bien trop longtemps pour te rappeler de son commencement.
Léodagan est mort, vive Léodagan.
Ton paladin t’avait confié son rôle dans le deuil pluvieux et son sourire soleil.
- Nous ne sommes pas les bienvenus et cela se confirme encore.
Tu détestais ce genre de mission, à réprimer les rébellions ou éveiller les esprits guerriers de tes confrères. La rage nichée dans tes mains n’existait que pour anéantir une espèce d’immondicité immortelle. Tu n’incarnais ni dieu, ni aucune divinité. Tu ne possédais pas le pouvoir de juger les mortels ou d’estimer leur vie. Pourtant, tu servais la mort pareille à une faucheuse, à l’effigie de ton arme accrochée dans ton dos, par-dessus ton long imperméable noire. Tu cachais les cicatrices de ses ongles squelettiques par des gants et des vêtements couvrants. Un jour, elle prendrait ta vie. Elle avait signé un pacte du diable en te confiant ses ambitions mais elle spéculait dans l’attente de ton âme. Derrière ton dos, les disparus murmuraient ton nom en vain, leurs mains tendues dans ta direction. Un jour.
- Que veux-tu faire Galahad ? Boire un café pour prendre la température de cette ville et s’en tirer après une petite bagarre avec quelques soûlards ou directement rentrer par effraction dans la caravane du lanceur d’alerte ?
Tu tiras de ta poche un paquet dont tu sortis une cigarette. Tu plaças furtivement la barre de nicotine entre tes lippes entrouvertes. Dans un geste maîtrisé, tu l’allumas. Addiction, l’inspiration de la tige tranquillisante fut la seule à posséder un effet curatif sur tes migraines. La fumée s’évapora dans des formes indiscernables, dans un nuage opaque, tandis que l’ataraxie gagna à nouveau tes sens.
La mort, les cris, la douleur. Des cauchemars s’agitaient à mesure que les années s’écoulaient. Le charnier derrière toi s’accumulaient, des démons autrefois hommes, marionnettistes de corps calcinés par la peur, noircis par la folie. Leurs rêves futurs et leurs destins désespérés périssaient. Sur le magma rougeoyant de leurs entrailles, le feu avalait les cadavres. Des âmes autrefois pures appelaient à l’aide. Tout s’effaçait dans le sillon stérile du temps, souillé par la violence. Devant toi, tout n’était plus que cendres et déclin. Tout n’était alors que désert et mystère.
- Je n’aime pas cette ambiance. Autant les rébellions sont une perte de temps, autant les fous sont un niveau supplémentaire de déplacement inutile, soufflas-tu. Je ne serais par contre une petite chasse mais plus vite nos histoires seront réglées, plus vite nous retournerons à nos priorités.
Avais-tu peur ? Certainement pas.
Pas assez pour être effrayé. Pas assez pour reculer.
Tu n’avais jamais voulu être un modèle pour les protecteurs. Trop brutal pour être constant, trop indépendant pour être fidèle, et pourtant ta loyauté vaquait déjà sur sept années de service. Tu continuais à répondre aux demandes, à traverser le pays pour libérer les esprits et protéger les faibles.
Tu n’étais pas dieu, mais tu pourrais tuer pour la mort.
Qu’importe s’ils étaient mortels ou immortels.
Tu servais comme tu tuais.
Sans discrimination.
Comme l’orage à l’horizon, perché sur les montagnes et goûtant l’air accablant d’une ville chimérique.
Tu plantas tes onyx dans les précieuses de Fenrir. Tant de saisons, tant de jours et de mois, d’années et d’heures, d’abord écuyer puis paladin, tu avais confiance en tes confrères. Tu ne doutais pas des tiens. Surtout pas de Fenrir. Tu te montrais à l’aise en sa compagnie - parfois même taquin -, toi et ton handicap de la sociabilité.
-Alors, Galahad, tu sors ton tabouret pour en finir au plus vite ?
Oh putain de bordel de merde.
Fenrir a pas l'habitude des missions où il doit aller régler les problèmes des protecteurs, généralement, il s'occupe plutôt des monstres. Négocier, c'est pas son truc. Mais dans ce genre de situations, là ou il faut peut être de la force de frappe brute, il est le premier invité.
Mais cette histoire, elle pue la merde.
Notamment parce qu'il est aux alentours de trois heures du matin, qu'ils sont deux dans un coin qui veut clairement pas d'eux et parce que Fenrir peut pas juste mettre des coups sur le problème jusqu'à ce qu'il arrête d'être un problème, justement.
"J'sais même pas ce qu'on est censés faire ici. On a bien vu qu'on était pas vraiment les bienvenus."
Il hoche la tête. Lui non plus, il aime pas cette ambiance un peu bizarre. Est-ce qu'à deux, ils vont réussir à renverser ce genre de trucs ? Probablement pas. Leurs trucs, c'est de tuer des monstres, pas de mater des révolutions.
"J'suis pas très bon quand il s'agit de fouiller, mais j'pense que c'est l'idée la moins stupide."
Il a beau être tard, il peut voir des lumières allumées dans un bâtiment plus loin. En plissant un peu les yeux, il arrive à déterminer que c'est probablement un des coins où se retrouvent les gens de la ville. Si tard ?
"Malheureusement pour les gens d'ici, j'aime pas suivre les idées pas stupides."
Il pointe à son camarade le bâtiment, puis traverse la route principale, avec toute la discrétion dont il est capable. Il tente de se camoufler un peu en se collant au mur en bois et d'écouter par la fenêtre, mais son mortel ennemi le double vitrage l'en empêche.
"On peut rentrer comme des bourrins, où dire bonjour. Dans les deux cas, on risque quoi, hein ?"
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