Dur à cerner • Opportuniste • Suit ses impulsions et son instinct • Difficile à intéresser • Difficile à manipuler • Indépendant • Obsessionnel • Rapidement fasciné • Tout aussi vite lassé • Égoïste • Contemplatif • Fidèle • Pragmatique • Entretient une image de frivolité fabriquée.

Difficile de trouver les justes mots pour qualifier celui que certains appellent Paresse ; et plus encore lorsqu'il s'agit de décrire Morozko, le monstre aux yeux affamés et à la langue de miel. Quant à Alexeï Kovalevsky, c'est sans doute la facette la plus accessible des masques qu'il rehausse avec un sourire parfois rempli de crocs. Jeune homme lascif, au regard tombant et aux r roulants de son accent natal, il semble dégager ce charme bien particulier qui fascine et hypnotise, à la façon des anneaux ondulants d'un serpent qui s'enroulent doucement, lentement, sûrement autour de vous pour mieux vous étrangler. D'une nonchalance souvent méprise pour de la négligence, Alexeï observe, sourit et calcule. Ombre derrière un trône de Colère, il veille et surveille, tisse une toile invisible et tire les bons fils lorsqu'il le faut : gardien des secrets, il en connait toujours la juste valeur et sait en faire un usage mortel.

D'un calme affiché, il n'est jamais bien facile de savoir ce qui lui passe par la tête. Sujet aux impulsions soudaines et aux fantasques vagabonds, ses actions sont souvent bien incompréhensibles aux yeux de ses éventuels spectateurs. Ceux qui ont appris à le connaitre savent cependant qu'il a bien souvent une raison, même obscure, derrière chacun de ses gestes -du plus malheureux au plus généreux. Patient et vif d'esprit, ambigu dans ses actions et dans ses paroles, il semble suivre un chemin que tous ignorent et que bien peu s'attarderaient à questionner. Louvoyant et sinueux, il n'est jamais agréable d'essayer de tirer quelque chose de lui tant il semblera toujours répondre à côté de vos attentes -mais peut être vous faudrait-il lire entre les lignes ? Inutile Paresse dont on ne peut rien faire. Agaçante Paresse dont on ne peut déterminer le but.

Irritante Paresse, dont on aimerait éteindre définitivement la lueur amusée du fond de son regard bleu. Vous ne seriez pas le premier à essayer... Mais les autres ne sont plus là pour en attester, contrairement à lui.

Il y avait quelque chose d'à la fois paisible et terrifiant dans les yeux d'un mort.

Le froid mordait ses membres comme un loup affamé par l'hiver rude qui n'avait pas manqué d'atteindre même les chaumières les plus chaudes. Les réserves s'étaient amoindris, le feu, tari. Bientôt ne resta plus que le sifflement du vent cinglant, hurlement de haine contre le bois des cabanes qui s'abattait nuit et jour, inlassablement. Cette nuit, la neige s'était faite discrète, légère, timide. Douce. Demain, Aleksandr le savait, ce serait un véritable blizzard qui balayerait la région, déracinerait ses arbres les plus frêles et prendrait les vies les plus fragiles. Demain, demain, demain, il rejoindrait Vanya, qui l'observait de ses yeux laiteux et immobiles, comme l'avait souhaité son père.

Le petit corps était étonnamment lourd entre ses bras affaiblis par la faim. Il avait l'impression d'étreindre une roche gelée, mais pour autant, il ne la lâcherait pour rien au monde -pour peu qu'il en soit encore capable. Œil de la tempête, c'était à ses yeux tout ce qui le rattachait encore à ce monde cruel et vorace qu'il ne souhaitait pour autant pas quitter. Il avait encore tellement à voir, à entendre, à vivre. Mais l'hiver était là, dans toute sa furie et sa splendeur, et il n'était qu'un enfant. Le regard fataliste de Vanya, qui ne clignait plus depuis de nombreuses minutes désormais, était un rappel édifiant de ce qui l'attendait. Ils étaient les plus faibles, ceux qui portaient le moins de seaux, ceux qu'on attendait dans les chemins, ceux qui flânaient dans les bois. Les enfants étaient, en cette saison, une denrée difficile à exploiter et bien moins onéreuse que la nourriture qu'ils consommaient.

Au moins, Vanya était-elle partie la première.

Il sentait les mains du froid remonter doucement sur ses doigts, ses poignets, ses bras. A son contact, les sensations s'éteignaient une à une, et une étrange langueur diffuse le saisissait. Il savait qu'il ne devait pas s'endormir, que le givre scellerait ses paupières pour toujours, mais l'appel du sommeil se faisait de plus en plus fort à chaque seconde qui passait, à chaque nouvelle étoile qui s'allumait dans le ciel. Le vent sifflait et sifflait encore, animal en colère, entité furieuse qui secouait sa fourrure et rugissait sa colère. Se découpant dans la brume, enfin, une silhouette. Aleksandr connaissait les légendes, et il était trop las pour lutter contre l'inévitable.

- Vous venez chercher Vanya ? il demande dans un murmure porté par le vent. Ses dents claquent, il doit s'y reprendre plusieurs fois. Dans un élan de volonté, il souffle encore : s'il vous plait, prenez soin d'elle.

La silhouette s'approche alors que sa vision s'assombrit. La Mort avait bien des visages, disait-on, mais Aleksandr fut surpris de la découvrir femme. Son ombre les surplombe, lui et sa sœur aux yeux laiteux, se suspend un instant, comme pensive. Attendait-elle pour pouvoir les emmener ensemble ? Ses paupières étaient si lourde et l'appel des abysses si tentante.

- S'il vous plait, il supplie encore, prenez là.

Vanya ne méritait pas de servir de festin aux charognards. Elle aimait les histoires, la chaleur de la cheminée, l'odeur du pain chaud et les après midi ensoleillés. L'hiver n'avait aucun droit sur elle. Le vent et la glace avait fini par emporter ses larmes, ne restait que sa voix, râle rauque dans l'obscurité face au silence de la Mort.

- Il est trop tard pour elle, elle fini par répondre au bout de ce qu'il lui semblait une éternité et demie dans un russe approximatif. Toi, par contre...

Aleksandr est figé alors que la glace l'emprisonne déjà dans son étreinte, il ne peut voir l'expression de son interlocutrice. Bien des années plus tard, il se demandera encore ce qui motiva son geste ce jour là, ce qui la poussa à se pencher sur lui, à saisir son menton entre ses doigts fins. Il se questionnera sur ce qu'elle vit en lui, sans jamais un jour trouver la réponse.

• • •

La première vie du dénommé Aleksandr était une histoire triste, de celles qu'on raconte aux enfants dissidents quand les oiseaux chantent, et qu'on se rappelle avec crainte lors des temps les plus durs. Sa seconde vie, quant à elle, avait le goût métallique et l'odeur enivrante du sang et de la revanche. Alexeï ne se souvient guère de cette époque : sa mémoire lui rapporte la fragrance tamisée des forêts sibériennes, l'obscurité rassurante de l'obscurité, la chaleur bienvenue de la fourrure et la chair tendre des enfants qui lui étaient parfois donné en pâture pour l'apaiser, quand ce n'était pas celle des chasseurs venus pour essayer de le tuer -encore une fois. C'était frénétique, brûlant, confus. Libérateur. Il y gagna son nouveau nom : la bête du givre, le prince de l'hiver, murmuré avec crainte dans un souffle au plus sombre de la nuit : Морозко. Morozko.

Sa troisième vie commença lorsque Mirabel se rappela de son existence. Lui n'avait jamais oublié son odeur si singulière -à moins que ce soit un effet secondaire de sa transformation ?- et quitta la Russie à sa demande sans un regard en arrière pour le sillage de cadavres qu'il y laissa. Au revoir Mère Patrie, bonjour Oncle Sam. Il fut confié aux soins négligents du précédant Paresse -s'il avait su...- et entreprit de réapprendre à vivre parmi les humains. Son apparence frêle, son attitude désinvolte et sa relation d'apparence privilégiée avec Mirabel attira sur lui nombreux regards méprisants et moult hostilités vindicatives de la part de ses pairs. Afin de survivre, il conclut une alliance décisive : la plus importante de sa vie, en réalité. Ceux qui deviendraient plus tard Paresse et Colère s'étaient associés, et tous l'admirent : ils devinrent une sacrée épine dans les pattes de beaucoup de monstres revanchards.

Sa quatrième vie débuta quelques années plus tard, aux termes d’événements relativement obscurs qui vit la mort simultanée de deux Péchés Capitaux : Colère et Paresse furent remplacés par Sybil et Alexeï, désormais liés à tout jamais dans une alliance vitale à l'un comme à l'autre. De nombreux monstres quittèrent l'ombre de son trône vacillant pour y préférer celle de clans plus stables, et Paresse nouvellement nommé, qui n'avait aucune ambition de régner, fusionna ses effectifs restants avec ceux d'une Colère bien plus indiquée pour la couronne. Il fit profil bas pour les nombreuses années qui suivirent, occupant le principal de son énergie à solidifier l'autorité de sa partenaire et à découvrir le monde des humains, ce qui ne manqua pas d'attiser sa nature obsessive pour tout ce qui représentait une nouveauté alléchante.

Aujourd'hui, si ses pairs monstres n'ont toujours que peu de respect pour lui, il est connu internationalement dans la société humaine sous le nom d'Alexeï Kovalevsky, mannequin et célébrité de son état. La nature toujours relativement secrète de son pouvoir amena Mirabel, qui voyait d'un mauvais œil les coups d'éclat des plus indisciplinés d'entre eux, à ordonner aux autres Péchés de lui confier leurs recrues les plus instables -les chiens fous, les récemment transformés, les incontrôlables ; ce qui ne manqua pas de raviver d'anciennes inimitiés et de nouvelles rivalités, pour son plus grand déplaisir. Loyal jusqu'au dernier de ses os, il s’acquitte cependant de cette nouvelle mission -de mauvaise grâce- avec l'efficacité discrète qui le caractérise, aiguisant ses griffes dans l'ombre d'un conflit qui ne saurait tarder à éclater.

Pour le meilleur et pour le pire.

Chronologie :
• 1892 : naissance
• 1901 : transformation en monstre
• 1928 : départ de la Russie pour l'Amérique
• 1930 : rencontre et alliance avec Sybil
• 1935 : ascension au grade de Paresse
• 1996 : naissance présumée de "Alexeï"
• 2019 : nouvelle égérie de Boréalis, reconnaissance internationale
• janvier 2022 : ordre de Mirabel concernant le mentorat des monstres problématiques

Pseudo : Croquelune
Âge : 27 ans
Pronoms : elle mais relativement osef tier
Commentaire :