Tes pas crissent sur la terre alors que tu pénètres dans la forêt. Dire que tu viens ici pour une rumeur. Devoir les vérifier est parfois une plaie, car au final, on ne sait jamais vraiment sur quoi on va tomber. La vérité ? Une supercherie ? Une blague de mauvais goût ? De vrais monstres ? Des humains complétement débiles ? Ou juste... rien ?

L'avantage de cette rumeur qui te conduit jusque dans le sous-bois est que ... hé bien justement, c'est le bois, la forêt, la nature. Cela te change des rues parfois nauséabondes des villes. Même si en cet instant, l'odeur de la nature se fait trop présente. Non, tu n'as pas un odorat sur-développé. Tu n'as juste pas l'habitude de te rendre dans ce lieu, d'autant plus que la forêt avait bien subit pendant l'été.

Tu te figes une brève seconde lorsqu'une pensée t'effleure. Faites que cette pseudo nymphe ne soit pas un pyromane qui trace sa future route. Ce serait à nouveau dramatique. Tu te remets à avancer en te disant que ce n'était pas possible. Non. Il s'agissait soit d'un monstre, soit d'un activiste, soit d'un fan des Simpson qui refaisait l'épisode où Mr. Burns devenait gentil, se baladait dans les bois et invitait à la paix et à l'harmonie...

Tu finis par arriver dans une zone plus morose. Le hululement des hiboux est lointain, comme si eux-mêmes ne voulaient pas s'approcher de cet endroit sinistre. Autour de toi, la végétation souffre encore des incendies de l'été. Et l'hiver qui sera dans quelques mois à peine... Vivement l'arrivée du printemps... Au moins, les cendres sur lesquelles tu marchais étaient peut-être bon engrais. Et encore, c'était à voir.

Soudain tu te stoppes net. Les yeux rivés sur le centre brûlé, sur cette silhouette qui se découpe dans l'obscurité, alors qu'une lueur bleuté surgit de nulle part pour mieux l'éclairer avant de disparaitre. Dans le silence absolu, tu observes la scène. La lumière croit en devenant un arbre. Si tu étais dans un film ou dans un roman de fiction, ce serait de la magie, ce serait un elfe sylvestre ou bien une nymphe, comme court la rumeur. Mais tu es bel et bien dans la réalité. Et tu sais dés lors de quoi tu as été le témoin.

Main sur ton arme, tu restes méfiant. Tu approches à pas feutrés, lentement et le plus silencieusement possible. C'est seulement à distance raisonnable que tu t'exprimes.

- C'est donc toi, la nymphe des bois ?

Si la créature est agressive, tu peux dire adieu à tout effet de surprise. C'est bien pour cela que tu es sur tes gardes.

Tu restes méfiant et sur tes gardes. Entre ce que l'on dit et ce que l'on fait, il peut y avoir un ravin, un océan, voire même un monde. Au moins, il n'y a pas d'âme qui vive par ici. Tu écoutes ses dires, le jauges du regard. Finalement, tu baisses un peu ton arme.

- J'accepte de te croire. Comment tu t'y prends pour lui redonner vie ?

Tu acceptes, car si la rumeur courait, c'est que les personnes avaient survécu à leur rencontre avec cette fameuse nymphe. Et aucune ne semble rapporter qu'elle soit une tueuse d'homme.

Tu marches alors en arc de cercle afin de contourner l'individu et cet arbre nouvellement... né ? Créé ? C'est clairement lié au pouvoir de la créature.

- Et pourquoi tu veux aider la forêt ?

La question est anodine, malgré tout, elle a son importance. Est-il possible qu'un monstre soit altruiste ? Même si cela concerne la nature ? D'ailleurs, quelles étaient les conséquences sur cet arbre ? C'est un arbre qui est arbre pleinement ou bien c'est un arbre à demi monstre ?
Du bout des doigts, tu viens caresser l'écorce de l'arbre. Il n'allait pas te mordre avec des dents surgissant de nulle part ??

Ton attention et ton regard reviennent sur le plus petit. Il y avait quelque chose que tu devais lui dire s'il était si gentil, et contre la bagarre.

- Fait toi plus discret à l'avenir. Si tes apparitions font plus de bruit, tes actions pourront être découvertes avec l'arrivée des curieux.

Une ou deux personnes, pourquoi pas. Mais si la foule appréciant les phénomènes paranormaux arrivait, cela allait poser problème. Pour tout le monde.

Tu écoutes ses paroles et analyse en silence. S'il est lié à la nature, cela vous fait un point commun. Tu demandes un instant s'il serait capable de retourner ton bouclier végétal contre toi. L'idée te fait frémir imperceptiblement. Au moins, le feu pourrait le battre. Mais Ezechiel n'était pas là. Heureusement, tu sens dans ses mots et son intonation qu'il n'est pas hostile. Du moins, pas directement. Va savoir depuis combien de temps il existe, depuis combien de temps il pourrait jouer une comédie. Mais ta naïveté prend le dessus. Le rêve de l'utopie revient.
Il t'interpelle, te demandant la raison de tes questions. Un fin sourire sur les lèvres, tu regardes dans sa direction.

- Simplement par curiosité.

Mais aussi pour apprendre plus à son sujet. Tu notes qu'il ne met pas en avant les monstres dont il fait partie. Il évoque simplement le "nous".
Tu caresses de la pulpe de tes doigts ce nouvel arbre avant de t'en écarter, heureux qu'il ressemble somme toute à un arbre normal. Tu le frapperais bien de ton arme pour voir s'il y avait un lien entre lui et le monstre, mais tu te retiens. Ce n'est que curiosité. Et tu ne voulais pas forcément mettre l'autre de mauvaise humeur. Tu pourrais encore revenir demain en pleine journée pour voir ce qu'il en est et si réaction déjà simplement de l'arbre il y a.

Ton interlocuteur se donne le droit de te retourner des questions. En soi, il le peut, oui. Seul toi pourrait lui accorder ou non les réponses. Tu attends de connaitre ce qu'il veut savoir. Alors un rire s'échappe de tes lèvres. C'est plus fort que toi. Sa question est légitime. Totalement.

- Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Je ne suis pas aussi impulsif que d'autres, c'est tout.

Et tu vois très bien qui pourrait attaquer à vue dans votre armée anti-monstres.
Tu reprends ton sérieux.

- Dois-je comprendre par là que tu as eu des mésaventures avec les miens ?

L'autre est pourtant bien présent devant toi. Tu espères qu'il n'avait pas contra-attaqué, qu'il n'avait pas blessé d'autres protecteurs.

- Il faut nous comprendre.

Même si c'est difficile.

- Les histoires au sujet des monstres ne sont jamais roses, jamais douces, jamais tendres.

Mais plutôt l'inverse, emplies de tristesse et de désespoir...

Tu continues d'observer l'individu. Tu avais vu la nouvelle lueur, la nouvelle graine, même si tu avais parlé, et qu'elle t'avait intrigué, tu n'avais encore rien dit. Jusqu'à maintenant.

- Tu vas essayer de replanter la forêt entière ?

Cela te semble impossible.

Cela ne t'étonne pas qu'il ait été attaqué. Tu ne demandes pas quand ni comment. Un monstre a-t-il encore la notion du temps qui court ? En outre, tu ne peux en vouloir aux autres protecteurs t'attaquer parfois à vue malgré la trêve. Un monstre, quel qu'il soit, porte généralement bien son nom. Son apparence n'inspire guère confiance. Et puis, quand on voit un arbre se mouvoir en pleine nuit, ça peut être effrayant. Heureusement qu'il n'est pas plus grand, car dans l'ombre de la nuit, en pleine ville, il pourrait se confondre avec un poteau s'il demeurait immobile. Tu en es persuadé.

Son discours sur le fait de ne plus se nourrir d'humains t'interloque. Tu clignes des yeux face à la nymphe de la forêt. Il y a ce quelque chose en cet être qui résonne en toi. Comme si les idées pouvaient se mêler.

- C'est possible ?

Tu avances d'un pas, malgré le fait que ton instinct de survie face à cette créature puisse te dire de faire demi-tour. Tu réduis cette impulsion au silence. L'autre n'est pas agressif. Et tu as ton arme en main.

- Je veux dire, c'est possible pour vous de vraiment vivre sans manger des humains ?

Les chasser, on le voyait bien, c'est à peu prêt le cas. Mais totalement ne plus être dépendant de l'Homme ? Est-ce possible ? Qu'en est-il de leur pulsion ou autre sensation qui les pousse à goûter la chaire humaine ?
Tu en rêves de cette possibilité. Ce serait une fin heureuse, celle qui permettrait à tout le monde d'être heureux. Sauf ceux qui aiment la chasse. Sauf ceux qui aiment la puissance.

À cette pensée, ta main se resserre sur ton bâton. Le monde aura beau dire qu'ils ne sont plus humains, cela reste une caractéristique très humaine de rechercher toujours plus pour avoir toujours plus et devenir toujours plus fort. Même si tous ne l'ont pas.

Lorsqu'il se détourne de toi pour planter sa graine, tu respectes son silence. Tu avais questionné sur la forêt. Il finit son travail et une nouvelle fois, tu peux observer ses pouvoirs à l'oeuvre. Le contrôle de la nature... Tu espères un instant qu'il ne peut pas te gober instantanément en faisant pousser une fleur géante. Tout son blabla, ce n'est pas pour endormir ta vigilance. Tu croises mentalement les doigts. De toute manière, elle n'est en rien endormie, puisque tu restes sur tes gardes, avec la distance et le bâton. Il interrompt tes pensées craintives et tu le dévisages. Du moins tu essaies, avec tout son feuillage. Ce n'est qu'une aide qu'il apporte... Tu hoches la tête.

- Je vois. Au moins, elle a un coup de pouce et quand les arbres le pourront, leurs fruits se répandront et de nouveaux arbres pousseront.

Sauf si les sangliers viennent tout manger. Mais c'est un détail.

- Moi ?

C'est une question piège ? Si je réponds mal, il m'attaque ? Mais Eden, fait donc taire ta petite voix insidieuse !
Tu te reprends.

- Oui. Je pense bien qu'on peut dire ça. Je jardine quand je peux et je sermonne un de mes amis lorsqu'il coupe les fleurs pour des bouquets...

Tu te mords l'intérieur de la joue. Ne pas en dire trop.

- Pourquoi ?

Simplement la curiosité aussi ?

C'est possible. Tu ne comprends pas comment c'est possible, mais il te l'affirme. Tu voudrais poser plus de questions, mais tu ne veux pas non plus qu'il prenne mal un interrogatoire surprise sur la condition et l'alimentation d'un monstre. Tout ce que tu captes en ce moment, c'est que c'est possible. Vérité ou mensonge, tu ne te poses actuellement pas la question. Utopiste, tu y crois. Ou joyeux naïf.

Tu lui réponds pour la nature, pour le jardinage. Tu es curieux de ce qu'il peut bien penser, de la raison de sa question. À ton pourquoi, il amène lentement sa raison. Trop lentement. Tu as envie de lui dire d'accoucher, pour être fixé. Tu ne peux retenir la surprise de se lire sur ton visage, si du moins l'aura de ta personne ne l'aveugle pas. Et tu ne pensais pas du tout que ton "Accouche !" mental était si bien choisi.

- Q-Quoi ??? Mais... Je... !!

Tu paniques presque. Tu perds tes mots et tu bégayes. C'est un geste intime de mettre au monde !! ... Même pour un arbre ?

- Je sais pas comment on fait.

Voilà, c'était dit, clair, net.
Tu l'avais observé pour le précédent surtout. Et tu ne voyais pas comment juste mettre en terre sa graine pourrait faire que ce soit toi qui donne naissance. Non, vraiment. Trop bizarre.
L'autre doit y parvenir par son pouvoir. Mais que se passerait-il pour toi si tu y mettais la main ? Tu n'as envie d'y laisser le bras.

- Je peux pas être sûr que ta graine ne me fera rien. Ton arbre ne m'a pas mordu, mais ta graine, t'es sûre qu'elle est disciplinée ??

Tu te rends compte du nombre de débilité que tu sors là, Eden ?
Toutefois, tu es curieux. Alors tu t'approches d'un pas, ton bâton toujours dans ta main.

- Tu fais que la mettre en terre, non ? Ta lumière, elle va pas fuir à mon contact ? Elle restera bien dans la graine ? Elle entrera pas en combustion spontanée si je m'approche ?

Ah. Ne parle pas de feu potentiel, pauvre idiot. Tu regrettes tes paroles sur le moment, mais tu ne sais pas comment pourrait réagir la petite lumière dans ses mains.