La colère ne sait que trop bien que les rencontres dans les endroits peu faciles d’accès, cachés loin où personne ne va, sont rarement synonymes de bons moments calmes et sympathiques entre amis autour d’une bonne tasse de thé aromatique à la cannelle. Entre les embuscades et potentielles tentatives de meurtre, celle qui a gagné son titre par le sang coulé n’en est pas pas une inconnue.

Enfin, ça, l’histoire ne le dit pas, du moins sans précisions. Nul ne sait *réellement* ce qui est arrivé à l’ancien colère. Libre à tous de s’en faire leur propre idée, Sybil ne s’en soucie que très peu.

Entre la confiance et la méfiance, la ligne est mince pour une bête puissante, suffisamment pour se défendre à elle seule en cas de soucis, qui sait pourtant bien que tous autour d’elle ne sont pas des idiots. Certains le sont, mais elle connaît suffisamment celui qui l’invite pour savoir que ce n’est pas le cas ici : Il est fûté, très, même. Assez pour savoir qu’il ne faut pas attaquer un péché qui a sans doute mentionné qu’elle allait le rencontrer dans cet endroit bien précis ; au moins à son compagnon, l’autre péché jaloux qui ne la laisserait pas quitter ses pattes sans explications.

Mais là encore, l’histoire ne le précise pas.

Sans contexte, ça semble terriblement venimeux, autant que le serpent qu’elle va rencontrer. Avec contexte… bon, ce n’est nul doute pas vraiment mieux. Même si pour le coup, elle ne cache pas où elle se dirige, sait-on jamais ce que son comparse monstrueux a en tête aujourd’hui.

Que ce soit en bien ou en mal, elle sait très bien qu’elle doit rester sur ses gardes, comme avec beaucoup d’autres. Elle le respecte suffisamment pour s’en méfier au moins un peu. Néanmoins, elle reste confiante en ses propres capacités : Ce n’est pas car elle s’en méfie qu’elle en a peur, bien au contraire - C’est avec une confiance nonchalante, presque amusée, qu’elle le rencontre aujourd’hui, dans les mines de Carson City. Un vrai labyrinthe, mais ce n’est pas la première fois que Sybil s’y rend.

Elle aime bien l’endroit, à vrai dire. Même si le plafond est un peu trop bas à son goût. Arrivée un peu avant l’endroit prévu, elle écoute et observe. Il est là, mais elle ne le voit pas. Comment sait-elle qu’il est là ? Par instinct, sans doute. Rater l’occasion d’avoir l’avance sur quelqu’un serait bien peu réfléchi, et il n’est pas sot. Enfin. Elle a peut-être tort.

Peu probable cependant. Un sourire se dessine.


- Mon hôte se cacherait-il ainsi à mon arrivée ? Nulle crainte, je suis enfin arrivée !


À la limite de la révérence, comme une bonne sauveuse théâtrale au service d’autrui. Peut-être a-t-il seulement peur que les petits lézards du coin complotent contre lui. Ou alors il prépare une surprise. Bouh ! Mais Sybil n’a pas peur des surprises, non. Elle est là pour discuter de manière civilisée. Une quelconque autre situation serait tout de même fort dommage, n’est-ce pas ?

Le français, cette langue que Sybil connaît de loin, de si loin, dont elle garde des bases rouillées qu’elle s’amuse à pratiquer de temps à autre, l’éternité étant bien trop longue pour n’avoir aucun autre passe-temps que de parsemer la neige de pétales de roses. Honorable certes, ce monde est gris, manque de couleur, mais le rouge brûle bien trop facilement les yeux de ceux qui croient en être maîtres, brûle le coeur d’une rage d’épines.

Il faut modérer.
Il en faut plus, mais moins.
Un avenir en fleurs pour ceux qui le méritent, sans la douleur des ronces aux pattes.

Elle savait qu’il était là, et à entendre ses mots, elle analyse, prend plus de temps qu’à l’habitude, la langue n’étant plus si familière qu’autrefois. Il se forme devant elle, chaque serpent prenant place comme les mots dans sa phrase, ne faisant qu’un seul Raphaël pour écouter sa phrase complète et lui répondre comme il l’a interpellée- avec un accent particulier, certes, mais compréhensible.

- Je ne m’inquiète pas. Je respecte.

Sa force, son intellect, il est un des siens. Chaque monstre est forgé de flammes différentes, il faut en prendre compte ; douleur, volonté de puissance, chaque brûlure chante mais pas aux mêmes tons, faisant des êtres tous autant que les autres aussi complexes que qu’à ne pas oublier, ne pas négliger. D’où le respect, pas d’inquiétude : Elle n’a aucune volonté de trahir un des siens, de l’écraser un petit serpent à la fois, et ne peut qu’espérer qu’il dit vrai, lui aussi. Le temps n’est pas aux poignards dans le dos.

- Labyrinthe aux sombres couloirs, le haut un peu trop bas. J’aime cet endroit. Je suppose que toi aussi, comme tu l’as choisi, non ?

Elle sourit, l’observe, mais semble relativement peinée un vague instant, penchant la tête sur le côté. Le respect n’est-il pas encore établi entre eux deux ? Croit-il encore qu’elle lui veut du mal ? Quel dommage, quel dommage. Sybil est là pour discuter.

- Des sbires ? Non. Nous sommes au nombre de deux, toi et moi. Je ne vis pas pour me battre contre les miens. Perte de temps.

Si des gens connaissent son emplacement actuel, personne n’attend à la sortie. Elle n’a pas besoin de renfort, pas besoin d’aide, ils ne sont pas là pour se bagarrer la tête contre les rochers… et Sybil se respecte assez, tout comme elle le respecte lui, pour ne pas faire de coups bas ainsi. Ils valent tous les deux plus que ça.