avec
les défauts d’Achille,
la colère, la violence
le besoin d’admiration
et de grandeur

et t’aurais aimé avoir
les qualités de Patrocle,
la tendresse, la douceur, l’intelligence

et t’as
les défauts d’Icare
avec le besoin de liberté, de voler, mais d’se faire brûler
toujours
et tout le temps

et ceux d’Ulysse
et sa ruse, et sa violence, et sa cruauté
et d'Héraclès
et sa force, sa puissance, son impétuosité

Zeus, et son arrogance
Apollon, et sa beauté
Bacchus, et son ivresse

et derrière toi s’éternise la violence, les crimes et le sang
comme Arès, tu les crées d’une arabesque du poignet
Charon vole leurs pièces, pour que leur regard puisse croiser le tien incandescent
et comme Hadès, tu attends que le passeur emmène tes jouets

jamais les asphodèles apathiques à la blanche pureté
l’île blanche ou les champs élyséens
tu n’aurais aimé approcher
et tu les juges de ton calme marmoréen

ah, mais le Tartare tout au fond des Enfers
ton monde est d’airain et de fer
et dans tes veines coule le feu du Phlégéthon
tu es le Cerbère de ta propre prison

1927 à 1939
L'ENFANCE HEUREUSE
0 à 12 ans
Né dans une famille riche, tu n'as vécu que dans l'opulence et la grandeur. Les beaux vêtements, les belles sorties, les belles écoles, les beaux précepteurs, les beaux jeux, les beaux jours. Ton enfance s'est déroulée comme dans le plus beau des contes de fées, avec des parents aimants et riches, qui acquiesçaient aux moindres de tes désirs. Bienheureux et bien gentil, tu étais doux et tendre, un enfant aux cheveux blonds et aux yeux bleus dont le rire faisait sourire tous les adultes autour de toi. Un bel homme, qu'il deviendra, chuchotaient en riant les amis de ta mère. Un grand homme, qu'il deviendra, assuraient ceux de ton père. Et tu étais persuadé que tu étais destiné à de grandes choses, Achille, comme le héros dont tu portes le nom, de très très grandes choses.

1939 à 1945
L'ADOLESCENCE OUBLIÉE
12 à 18 ans
Et pourtant, la guerre a éclaté, a volé ton père, l'a fait devenir un meurtrier. Tu as vu Paris ravagée, enfermée, les uns et les autres se pointer du doigts, les collabos et les résistants. Et t'étais juste un adolescent dont on avait volé le père, dont on avait terrifié la mère. Un enfant, un bébé, quand tout a commencé, qui se cachaient dans les jupons de sa mère, comme le faible que tu étais. Mais t'as jamais combattu, t'as juste suivi, pendant des années, comme si c'était ta seule façon de survivre.

1945 à 1950
LA JEUNESSE ADULTE
18 à 23 ans
La libération a également été la tienne. Ta vie s'est transformée, les études se sont terminées sans que tu saches quoi en faire. T'as vécu à en perdre la tête, avec les copains, les copines, les virées, les rires et les soirées arrosées. T'as dilapidé l'argent que ton père t'avait laissé, celui que t'as perdu aux jeux interdits et dans les amies d'une nuit. Tu rentrais tôt le matin, et ta mère te réveillait en te secouant les pieds. Ah, Achille, qu'est-ce que ton père dirait. Et le refus, le déni, la colère, encore et toujours, contre une patrie qui n'était pas la tienne, et contre un combat dans lequel tu étais terrifié de te jeter. Et t'as fui, en disant partir en vacances, que t'avais mieux à faire que rester enfermé dans cette capitale qui t'avait volé ton père. Menteur.

1950
LA NUIT TERRIBLE
23 ans
C'était le prix de la liberté. A faire n'importe quoi, à être avec n'importe qui. Il en fallait pas plus à ce monstre qui a détruit ta vie. Ou qui sait, peut-être à celui qui t'a sauvé. T'en as pas un souvenir terrible, t'en as pas un souvenir horrible. T'en as juste pas de souvenir, comme une grosse cuite dont on se souvient plus, mais la douleur du lendemain, et le mal-être incessant.

1956
LE DÉNI MONSTRUEUX
0 à 6 ans
Incessant, incessant, incessant. Cette faim, ce besoin de manger, manger, dévorer, sans trop savoir quoi, sans trop savoir comment. Six ans, à te priver, à vomir ce que tu mangeais, à prier, prier, prier, que tout n'était qu'un cauchemar, que t'allais te réveiller, que tu n'étais pas devenu cette horreur, cette chose, ce cannibale. C'était pas toi, tu n'étais pas ça. Six ans. De déni, de colère, de rage. D'espoir, un peu. Vite effacé.

1956 à 1981
LA DESCENTE AUX ENFERS
6 à 28 ans
L'acceptation, enfin. Le deuil de ton ancienne vie, l'acceptation de ta nouvelle. Et tu t'es laissé aller, tu t'es laissé porter. Tu as accepté qui tu étais, petit à petit, doucement, tranquillement, tel un enfant qui apprend à marcher. Et tu t'es mis à courir, courir, courir. Dévorer, dévorer, dévorer. Rire, rire, rire. Un grand homme, qu'il deviendra. Oui, oui, un grand homme. Un grand homme terrifiant dans les ruelles sombres, à dévorer les jeunes femmes, les jeunes hommes, si facilement accessibles, il suffisait d'une promesse, d'un baiser, d'un sourire. Parce que comme les amies de ta mère l'avaient prédit un bel homme, que tu es devenu. Si simple, si, si simple de détruire une vie, et d'agrémenter la tienne d'un pouvoir insolite, d'une puissance parfaite.

1981
LA TRAVERSÉE DU STYX
28 ans
Mais un jour, ah, un jour, tu t'es fait attraper les mains dans le sac, ou plutôt, les mains dans un corps. La police, la rapidité, la fatigue de la chasse, tout t'avait épuisé. Et tu t'es fait chopper comme un enfant qui a tenté de manger en secret les bonbons tout en haut du placard, et qui n'a pas su cacher ses traces. 1981. Condamné à mort. T'étais parmi les derniers, en France, à avoir cette condamnation. Et c'était bien dommage, parce que t'aurais aimé continuer à garder la tête sur tes épaules. Mais hé, on remercie le ministre de la justice qui s'est battu pour que ta nourriture reste bien fraîche le plus longtemps possible. Et toi aussi, par la même occasion.

1982 à 2003
LA FUITE D'ÉNÉE
29 à 53 ans
Et t'as réfléchi, t'as fait ça intelligemment, t'as essayé de pas trop merder, et t'as attendu, tranquillement, calmement. Et une nuit, t'as bouffé ton camarade de cellule, le garde qui est passé par là, et tu t'es enfui. T'as fui, fui, fui, couru jusqu'à n'en plus pouvoir, et quand t'en pouvais plus, tu t'es laissé tomber quelque part au milieu d'une rue, et t'as ri, ri, ri à n'en plus pouvoir, heureux de vivre, heureux d'être en liberté. Et t'as voyagé, t'as changé de nom plusieurs fois. Arthur, Thomas, Christian, Léo. T'as pris des dizaines de noms, le temps que ton visage disparaisse des télés, tu t'es caché dans les ruelles, t'as dévoré dans chaque pays proche de la France. Entre temps, t'as gagné de l'argent, t'as eu des victimes, des amis, des victimes, encore, beaucoup, toujours, énormément, jusqu'à assouvir ta faim, jusqu'à assouvir ta soif, jusqu'à assouvir chacune de tes envies.

2003 à 2023
LA RECONQUÊTE DE LA NOUVELLE TROIE
53 à 73 ans
Et un jour, t'as décidé de quitter l'Europe. T'avais tout vu, tout vécu, y'avait plus rien à voir ici, et tout à découvrir ailleurs. L'Asie ou l'Amérique, t'as décidé l'Amérique. Plus facile pour te faire passer pour un inconnu, plus facile pour te faire passer pour un américain. Et t'as voyagé, ici, et là, de l'Est au Nord. T'es allé au Canada, aussi, mais il faisait trop froid. T'es passé par la case Texas, t'as pas trop kiffé, mais c'était tellement facile de bouffer. Puis tu t'es posé à l'Ouest, pour partir en conquête.

I've been dreamin' 'bout the West Coast
Found some faces that I don't know
Give me the sun for just a year
I'll kiss the sky and disappear

Pseudo : j’en ai toujours pas lolilol
Age : 28 (bientôt 29), la vieillesse
Pronoms : elle
Comment tu nous a connus : j’ai sombré.
Commentaire : heureusement j’avais dit “qu’un perso hein, après c’est bon, j’ai pas le time de toutes façons”... je jure ce forum aura ma mort.
et sachez que j'attends de pouvoir écrire un chapitre de sa vie qui s'appelle : "la lamentation d'Orphée", donc si y'a des intéressés.......