Le soleil offrait ses dernières lueurs sur la ville, la baignant dans une atmosphère reposante. Le ciel, couvert par d'épais nuages, était vêtu d'un bleu indigo tandis que l'horizon était soufre. C'est plongé dans ce cadre idyllique, perché aux abords d'un toit d'immeuble, qu'Haiko observait la ville. Il profitait de ce moment de calme, respirant à pleins poumons cet air frais. L'heure de la chasse allait pouvoir commencer. Le soleil n'était plus, seul quelques lueurs transperçaient les bâtiments de la ville allant se frotter contre quelques murs, ici et là.

Accroupi au bord du toit, son regard était plongé vers l'astre de lumière qui s'essoufflait au fil du temps, avant de complètement disparaître. La nuit venait de prendre possession des lieux. Au même moment, les démons s'arrachèrent de leurs peaux humaines. La chasse pouvait commencer ! Un large sourire se forma sur le visage du magicien. Il était accompagné d'une sombre aura et si, dans un monde alternatif, les démons restaient indétectables la nuit, Haiko aurait très bien pu être confondu comme l'un des leurs. Le magicien entreprit sa funeste marche. Perché en hauteur, il avait un angle parfait sur les rues de la ville.

Il était à l'affût du moindre bruissement, prêt a bondir sur la première créature venue. Cependant, le couvre-feu avait été révolu et cela rendait sa chasse plus compliquée. Les humains grouillaient de partout, mais il savait que le danger résidait davantage dans les zones isolées qu'au cœur de la ville. Ainsi, il gardait un œil sur les culs-de-sac et les rues peu fréquentées. Bref, tous les lieux propices a de sombres événements étaient sous la surveillance d'Haiko. Quelque chose attira son regard, un mouvement dans l'obscurité. Son instinct le poussa a aller voir ça de plus près.

À première vue, la silhouette semblait humaine, mais il distingua deux petites cornes noires sur son crâne. Haiko descendit de son toit avec une agilité déconcertante, il dégaina son sabre lors de sa chute. Il atterrit dans le dos de la démone qui sentit sa présence et, de ce fait, n'eut pas de mal a esquiver le coup porté par le protecteur. Lorsqu'elle se retourna, Haiko ne manqua pas de remarquer le bandeau qu'elle portait. « Tiens... t'es jolie, toi ! Ça me change des créatures informes à tentacules où il y a encore de la chaire putride entre leurs centaines rangées de crocs. » Il eut un léger rictus en disant cette phrase. « Par contre, pas sûr que ça puisses te sauver... » Bien qu'elle n'avait l'air guère dangereuse, le magicien restait sur ses gardes, prêt à contrer la moindre attaque.

Quelle piètre créature qu'était-ce cette démone se tenant là, lui faisant face. Elle semblait prête à l'affronter, un profond grognement sortait de ses entrailles. Cependant, son regard fuyant la trahissait. Haiko ne put s'empêcher de décrocher un sourire sardonique. Il y avait de quoi se moquer, ce petit suppôt de l'enfer semblait presque flageoler sur ses jambes. Elle se voulait menaçante face à un protecteur qui, lui, avait les pieds bien ancrés au sol. Le moindre petit mouvement, le moindre frissonnement, Haiko le surinterprétaient. 
En plus de cet air moqueur, le protecteur laissait entrevoir son côté bestial. Cette animosité luisait dans ses yeux ambrés.

« Je te conseille de rebrousser chemin. Je n’ai fais de mal à personne, et je ne compte pas le faire. » Il ne put s'empêcher de ricaner avant de tirer sur sa cigarette électronique. Le goût de caramel se propageait sur ses papilles avant qu'il n'expire une épaisse fumée blanche. Il la cracha à la gueule de la démone, un sourire narquois dessiné sur le visage. 

Un simple souffle de la part du magicien suffisait à pénétrer l'esprit d'autrui. Haiko comptait bien lui faire ouvrir les yeux sur ce qu'elle était réellement. Si ça lui chantait, cette créature pouvait bien se voiler la face, mais pas avec Haiko. La donne allait être différente avec lui. Ces monstres qui se prétendaient inoffensifs l'écoeuraient. Quel culot ! Il n'arrivait pas à comprendre l'origine de ce déni. Ces créatures n'étaient que des êtres perfides avides de sang, de souffrance et de pleurs. Comment pouvaient-ils donc ouvrir la gueule pour proclamer de telles absurdités ?! « Ce n'est pas ce que je vois... » Son sourire moqueur s'était effacé pour laisser place à une attitude plus sérieuse, quasiment froide. 

Dans son regard, on pouvait y lire tout le mépris et la haine qu'il nourrissait pour ces pourritures. « Tu es couvertes de sang. » La fumée qui lui avait été crachée à la gueule était chargée par les aptitudes du magicien. La démone en avait inhalé une infime partie, ce qui était amplement suffisant pour faire effet. La fumée l'avait pénétrée se propageant en elle, dans sa chaire, son sang et son esprit. De ce fait, ses sens étaient trompés au bon vouloir du magicien. Son but étant de lui montrer le monstre qu'elle était, il se servit de ses illusions pour la recouvrir d'un sang encore frais. La démone qui ne paraissait pas bien redoutable il y a quelques secondes à peine, était présentement effroyable. Le magicien ne s'était pas contenté de sang, coincé entre les griffes et les crocs de la bête, de la chaire s'était formée. Cette viande factice n'était pas dénuée de goût, au contraire. D'ailleurs, ça devait même lui rappeler ses proies préférées : l'humain. Comment, diable, Haiko pouvait-il retranscrire un goût qu'il ne connaissait pas ? 

C'était simple, il suffisait de ne plus demeurer dans cette ignorance. Il aimait aller au bout de ses idées, aussi tordues pouvaient-elles être. D'ailleurs, en ce qu'il concernait le fait d'aller jusqu'au bout de ses idées, Haiko n'allait pas faire exception avec elle. Il n'y a jamais eu de sang sans corps, n'est-ce pas ? Contre le mur de cette ruelle, baigné par une lumière faiblarde recrachée par un lampadaire, un corps exsangue gisait. Il était complètement vidé, un état des plus déplorable. Même un médecin légiste aurait eu besoin d'un sac pour vomir tant la scène était insoutenable. 

Le magicien fit un signe de tête, invitant la démone à regarder derrière elle. C'est à la vue de ce corps qu'elle se mit à fuir. Durant quelques secondes, Haiko resta planté là, surpris. N'était-ce pas une vision alléchante pour ces monstres dépourvus d'âme ? Il ne s'interrogea qu'une fraction de seconde avant de s'élancer à toute allure vers la fuyarde. Elle n'allait pas lui échapper ainsi, il en était hors de question ! Haiko était rapide, son agilité lui permettait de courir en ligne droite sautant par-dessus les quelques obstacles obstruant les rues. Ainsi, progressivement, il réduisait la distance que la démone avait réussit a installer. 

Toute son attention était focalisée sur sa proie. Elle galopait telle une gazelle effarouchée, au plus grand plaisir d'Haiko. L'effroi que pouvait ressentir le gibier lors de ces chasses nocturnes avait une saveur des plus grisantes. Le protecteur courait à en perdre haleine, le sourire aux lèvres. Le prédateur, c'était lui, comme ça l'avait toujours été. 

Cette suave sensation, lui parcourant l'échine, était telle qu'il en frissonnait de plaisir. Haiko ne cessait de se rapprocher, la distance qui les séparait était devenue minime. Le moment venu, le protecteur concentra ses forces dans ses jambes et lorsque son pied atterri sur le sol, il usa de cette concentration afin de s'élancer une dernière fois. De sa main libre, il empoigna une des cornes de la démone la dépassant avant de la projeter droit vers le sol, espérant lui faire bouffer l'asphalte. « Peut-être que tu souffres d'amnésie traumatique ? Enfin... si on admet qu'une créature de ton genre puisse-être traumatisée par ce qui la définit comme démone. » Il y avait mis toutes ses forces et cela paya, le corps de cette monstruosité se fracassa contre le sol. Ses paroles étaient emplies de sarcasme.

Il la revoyait, son corps se fracassant contre l'asphalte produisant un fracas. Malgré cette chute, tel un félin, elle bondit s'éloignant du protecteur. Le choc avait été d'une telle violence qu'Haiko ne put que ressentir qu'une certaine admiration pour cette démone. Finalement, elle semblait plus coriace qu'elle en avait l'air. Ça ne pouvait rendre cette confrontation que des plus intéressantes ! Une flamme brûlait en lui, le consumant d'un bonheur mêlé a une excitation des plus intense. Les adversaires les plus combatifs se révélaient, bien souvent, être les plus savoureux a briser. L'ardeur animant les démons lorsqu'ils se voyaient mourir, le second souffle qui le faisaient puiser dans leurs dernières forces afin de se raccrocher à leur misérable existence... Cette vision était des plus exquises. C'était précisément ce que recherchais Haiko en elle. Il allait se démener corps et âme afin de l'amener dans ces derniers retranchements.

Elle grognait tout en dévoilant ses crocs, ainsi elle se rabaissait a ce qu'elle était réellement : une bête sauvage. « Oh chaton ! Tu peux continuer de feuler autant que tu le souhaites, ça ne suffira pas a me faire fuir. » En disant cela, il s'était penché vers elle, les mains posées sur ses genoux. Il la prenait de haut, souhaitant la faire sortir de ses gonds et ça ne manqua pas ! À peine pût-il terminer sa phrase, qu'elle s'élança vers le protecteur, les crocs dévoilés. Elle choisissait donc de l'attaquer de face ? C'était du suicide ! Il ne comptait pas la laisser lui infliger le moindre coup. Armé de son katana, il se préparait a contrer cette attaque désespérée. Cependant, alors qu'il la voyait se rapprocher dangereusement, un flash noir survenu. Il se produisit l'instant avant qu'elle ne le touche.

Haiko ne comprenait pas, tout cela s'était passé en quelques secondes. L'obscurité semblait perdurer, ce qui l'avait paralysé d'incompréhension quelques secondes durant. * Bien joué ! * Pensa t'il. Il le reconnaissait, elle avait réussi a ruser. Bien que l'affrontement venait de débuter, elle avait réussi a susciter un certain intérêt chez le magicien. Finalement, cette démone se révélait être plus distrayante que prévu. « Je ne sais pas ce qu’il s’est passé là-bas, mais je le répète, je ne souhaite pas te tuer. » Dès l'instant où il entendit sa voix, il comprit qu'elle était encore proche de lui. Haiko bondit en arrière afin d'instaurer une certaine distance. C'est en se mouvant qu'il ressentit une vive douleur au niveau de son mollet. Il contint un hurlement avant d'effleurer sa peau de ses doigts. Haiko comprit directement. Il ressentait le sang encore chaud coulé sur ses doigts et d'après son touché, c'était profond. Cette putain ne l'avait pas raté ! Lorsque ses pieds retouchèrent l'asphalte, il avait les jambes fléchies, accroupi, la main gauche posée sur le sol et le katana dans l'autre. Il était sur ses gardes, les sens en alertes. Il distingua des bruits de pas qui semblaient s'éloigner de lui.

Haiko était étonné, ainsi, elle ne profitait pas de son handicap ? C'était étrange, cela lui semblait bien trop beau pour être réel. Il se relevait lentement, persuadé que la démone comptait s'élancer une nouvelle fois sur lui. Bien qu'il était plongé dans un néant qui l'inquiétait au fil du temps, il ne se décourageait pas. C'était même le contraire ! Cette petite inquiétude, grignotant son esprit, l'encourageait a lutter. Il ne lui ferait pas le plaisir de fuir comme un lâche a la première difficulté rencontrée. Haiko était bien trop fier. Le prédateur, c'était lui ! L'obscurité se dissipa en une fraction de seconde. Le magicien regarda rapidement autour de lui, il n'y avait plus rien. « Alors, tu as encore choisis la fuite ? Tu me déçois... » Il venait de crier ses paroles, son instinct lui murmurant qu'elle était encore dans le coin. « Tu sais bien que tu avais une occasion en or... Pourquoi ne pas l'avoir saisi ? Ce n'est pas en faisant preuve de clémence avec moi que je te rendrais la pareil, tu sais ? » Il ne comprenait pas. Accordait-elle autant d'importance à la vie humaine qu'elle le prétendait ? C'était absurde !

« Comme si une créature telle que toi mériterais d'être épargnée. Ne me fais pas rire ! » Il avait continué d'hurler ces paroles, tout en parcourant les rues d'un pas lent. Il était à l'affût du moindre bruissement, de la moindre ombre dansant à la lueur d'un lampadaire, prêt à bondir sur sa proie. « Vous me dégoûtez tous autant que vous êtes... » Avait-il déclaré à voix basse. Il repensait à sa chérie disparue, sa fille qui avait probablement vécu l'enfer par ces êtres abjects. Cette pensée lui déchirait le cœur, sa douleur restait vive malgré les années. Les poings du protecteur se serrèrent à s'en faire péter les phalanges.

Chaque fois qu'il pensait à elle, même durant quelques secondes, ça le bouffait de l'intérieur. Une douleur indescriptible, si vive qu'il ne serait pas étonné que son âme soit entaillée de part en part, sanguinolente. « PUTAIN ! JE VOUS SAIGNERAI TOUS ! » Haiko venait de perdre son sang-froid, hurlant à pleins poumons. Il n'y avait plus que la rage qui l'animait, une haine viscérale. Son regard se posa sur une ruelle rongée par l'obscurité. C'était une planque parfaite ! Instinctivement, il se dirigea à pas feutrés vers l'allée. Il n'était pas certain d'y débusquer sa proie, mais il avait un assez bon pressentiment que pour s'approcher silencieusement. Sa respiration était lente ainsi qu'étonnement calme, il avait le regard d'un fauve. L'iris ocré de ses yeux n'était plus qu'un fin cercle entourant ses pupilles dilatées. Rien ne trahissait sa présence, cette fois-ci, c'était lui qui bénéficierait de l'effet de surprise.

Il était bien décidé à lui faire la peau et il n'allait pas gâcher cette opportunité. Haiko avait une grande maîtrise de son pouvoir, il savait s'économiser afin de faire perdurer son emprise. Ainsi, la démone était encore sous l'influence du souffle du protecteur. Il se joua de son ouïe en lui infligeant une stridente cacophonie ce qui fit sursauter la démone. Elle venait de se trahir et Haiko ne perdit pas de temps pour s'élancer vers la bête cornue. La douleur fut tel un courant électrique lui transperçant la jambe, mais il l'ignora. Ce n'était sûrement pas quelques griffures qui allait le dissuader de décapiter cet être abject.

Haiko lui infligeait de violents coups, se déchaînant sur elle. Elle pouvait bien contrer ou esquiver, il finissait toujours par viser les ouvertures qui s'offraient à lui. Il maniait son katana avec aisance, se mouvait avec agilité pour esquiver les coups portés par le démon. Il paraissait infatigable avec son sourire moqueur, accroché aux lèvres. Il ne cessait de lui porter des coups. Tantôt, il utilisait ses poings, tantôt ses genoux et ainsi de suite. Il variait, se réinventait sur ses attaques qui n'étaient jamais les mêmes. Ça le rendait imprévisible, son titre de "Gradé", il ne l'avait pas démérité. Finalement, il réussit a transpercer l'épaule de la démone avec son katana. Il fit tourner son arme, toujours plantée dans la chaire de la créature, avant de la retirer d'un coup sec. « Tu sais ce que j'aime chez les démons ? Votre capacité à vous régénérez. Ça me permet de vous faire souffrir jusqu'à en avoir assez. » La lueur dans son regard ne laissait plus qu'entrevoir sa rage liée a la détermination d'en finir.