Toute cette histoire la dépasse- des mots, transformés en phrases, en paragraphes, en détournement de situation, du début jusqu’à la fin, Cadenza est fort troublée par ce qui se passe. Ce qui a commencé par une tragédie n’a mené qu’au début de bien pire, là où la loyauté de tous est exposée au grand jour. Il y avait déjà séparation certes, protecteurs contre monstres, gentils contre méchants, mais…

La frontière n’a jamais été aussi floue. Et Cadenza n’aime pas le flou. Le flou, il la pousse à arrêter dans son élan, s’observer, se questionner; est-elle réellement dans le bon camp ? Est-ce que la mort est la seule solution ? L’enfant en elle, celle qui a tout perdu, croit fermement que oui. Celle qui protège les innocents, qui venge toutes ces vies arrachées, toutes celles qui n’auront jamais de réponses sur le sang qui a remplacé leur amour par de la peine, par l’absence dévorée par la nuit.

Mais rien n’est aussi simple, n’est-ce pas ? Les transformés de force, les gens perdus, ceux qui ont souffert au point d’en être changés, les végétariens, ceux qui n’ont trouvé l’amour qu’ils cherchaient que dans les griffes de la nuit… ils existent, nul doute possible. Est-ce juste de leur donner raison sur la cruauté de l’humanité ?

Est-ce juste de mettre tout le monde dans le même panier ?

Cadenza a rencontré des humains exécrables, des humains adorables. Des protecteurs, mauvais et sans pitié, d’autres pour qui le cœur leur brille sur la main comme une gigantesque pépite dorée. Pourquoi les monstres devraient-ils tous être du même moule ?

C’est ridicule, Cadenza. Mais réel. Elle s’en veut, mais un côté d’elle-même n’arrive pas à s’enlever les ombres de la tête. Ses convictions, valeurs et liaisons sont chamboulées; il lui faudra se remettre sur pied avant que la musique ne se mette à jouer, le chaos n’attend jamais pour danser. Rien de mieux, lors de ses crises existentielles, d’aller retrouver son phare, plus rationnel, plus droit, qui saura nul doute remettre ses idées en place. C’est donc pourquoi, comme à son habitude, qu’elle décide de s’inviter chez son cousin. Enfin, elle voulait lui demander avant, mais… Il est sans doute libre, non ? Sûrement. Elle espère. Elle a oublié de lui écrire avant de partir. C’est donc devant sa porte qu’elle lui envoie ceci :

“Lessiiiiii ! Bonjour ! Je t’aime ! Mais tu le sais, ça !!!!!!

Tu m’en veux si j’arrive chez toi bientôt ? Et par bientôt, je veux dire que je suis PEUT-ÊTRE devant ta porte. J’ai écrit un message pour te prévenir, mais j’ai PEUT-ÊTRE oublié de l’envoyer ?????? Ou alors j’ai oublié de l’écrire ????????? Ou alors je l’ai envoyé à quelqu’un d’autre à la place ???????????????????? Honnêtement je sais pas trop. Mais je suis là ! <3 <3 <3 <3 <3 <3 <3 <3 <33 <33<”

“jsp pourquoi mes coeurs ils ont mal à la tête à un moment. On a qu’à dire que c’est des poissons ok ??”

Et hop, envoyé. Elle espère qu’il est là. Et pas en réunion importante. Ou déjà avec d’autres gens.

Lessi c’est un homme occupé. Il faudrait peut-être qu’elle pense à écrire avant de venir, la prochaine fois. Ce qu’elle se dit à chaque fois. Le fait-elle ? Non.

Ah, il est là ! C’est bon signe. Comme à toutes les fois, il ne lui répond pas directement par téléphone- c’est fou, dès que quelqu’un prend son téléphone il/elle pense qu’elle parle toute seule- il vient simplement lui ouvrir la porte comme s’il était déjà en train d’attendre devant. Lessi se téléporte, confirmé. Ou alors il voit l’avenir ? Lessi a des visions du futur ????? Mieux vaut ne pas trop se questionner là-dessus. Surtout pas à voix haute ! Le soupir, elle l’entend déjà. Il est trop humble avec ses capacités de téléportation divinatoires.

- Lessi ! Je suis contente de te voir ! Ça fait longtemps ! Comment vas-tu ? Tu étais occupé ? J’espère que je ne te dérange pas !

“Longtemps” ? Ça elle ne sait pas, en réalité. Ne sait plus, plutôt. Le temps, c’est bizarre. Mais elle préfère dire que ça fait longtemps et qu’elle s’ennuie. Parce que c’est vrai, mais aussi car c’est plus gentil que “bah on s’est vus récemment là”, car chaque journée est importante ! En soi, elle se doute bien qu’elle doit au moins le déranger un peu, mais c’est pas grave, il s’en remettra. Lessi, il est occupé. Il a besoin de respirer un peu ! Bon, les raisons de la visite sont compliquées, donc respirer va être hum. Un tantinet complexe, mais c’est pas grave ! Enfin, si. Mais non.

- Pas besoin, ne t'inquiètes pas ! J’ai plein de trucs dans mon sac.

Sûrement, en tout cas. Le fait qu’ils ont été oubliés dedans n’est pas important.

- À moins que tu ne te serves quelque chose à toi-même, dans ce cas, si gentiment demandé, je ne peux pas refuser ! Mais ne te force pas à prendre un truc juste car tu veux être gentil ! Enfin, tu peux être gentil si tu veux, mais t’es pas obligé !

Elle n’a pas envie d’être une personne mal élevée, après tout. Cadenza a bien été élevée. Les Di Angelo (tous autant qu’ils sont) ont fait du bon boulot. Quoiqu’il en soit, elle n’est pas là pour vider son frigo de toute manière. Une Cadenza en crise existentielle ne vide pas les frigos. C’est malpoli.