Mardi, 14h21.

Tu te balades dans les allées du centre commercial. Tu profites de ton jour de congé et du fait que ce soit la journée pour faire tes courses, mais pas n'importe lesquelles. La nourriture, c'est bien, mais ton frigo est encore plein. Tu n'as pas d'animaux de compagnie, donc rien pour eux. De l'engrais pour les plantes ? Ce n'est pas la période et elles vont bien. Tout ce qui pourrait être utile, tu n'en as pas besoin actuellement. En revanche... Tes cheveux demandent leur soin. Tu l'as vu ce matin dans le miroir, ce petit espace dans les racines qui est devenu sombre, celui qui indique que les repoussent sont bien là et que ta chevelure s'allonge... Au détriment de ta couleur qui cède la place à ton originelle, mais guère originale.

Ainsi, c'est le rayon salle de bain et produits de soin qui est l'objectif de ta balade. Immense, avec tous les shampoings et soins dont tu peux rêver, mais également les boules à mousse et les senteurs de bain. Tu dénigres tout ce qui est pour la douche qui n'est rien pour toi, si ce n'est un massage aquatique lorsque le jet d'eau est bien fort.

Tu promènes ton regard sur les articles. Là, tu le vois, le Magic Retouch ! Tu t'en saisis, heureux de pouvoir prochainement refaire tes cheveux à la perfection. Le gris, c'est la vie, le noir, c'est le.... Brouillard ? T'as pas de rimes qui te vient en -oir.
Puis bon, comme t'es là, tu vas pas juste prendre ton petit gris pour racine, non. Alors tu avances, arrives au bain bulle. Senteur lila-vanille. Tu poses ta main dessus, mais tu n'es apparemment pas seul à le vouloir. En effet, la personne qui se trouvait à côté de toi dans le rayon venait aussi de poser la main dessus. Comment faire ??

- Ah. Il semble que nous ayons les mêmes goûts ?

Tu regardes alors l'individu. Tu es frappé par sa rousseur, adore sa couleur. Malgré tout, c'est la boule à bain que tu voulais, pour toi, pas pour lui.

- Celles au pamplemousse et framboise sont excellentes aussi, si vous voulez.

Car là, c'était la dernière lila-vanille.

Mais bordel… qu’est-ce que je fous lààà ?

Je soupire et tire une tronche de quatre pieds de long. Le regard fatigué qui roule tandis que je penche la tête en arrière. Vraiment. Pourquoi je me suis mis dans une situation pareille ? Ah mais oui, c’est vrai. Je suis mort depuis trois ans avant de débouler chez Gabriel comme… qu’avait-il dit déjà ? Ah oui, une fleur. Et il était vachement en colère. Je me demande encore pour quelles raisons il a accepté de m’héberger. Provisoirement. Quoique…

Si je suis ici, si je suis dans ce rayon parfumé à vous en faire saigner du nez, et entouré de beaucoup de femmes, c’est pas pour moi. Mais pour Gaby. J’essaie comme je peux de me racheter. Même si ma dette est insolvable. Si je peux au moins me tenir à carreaux et lui offrir deux, trois trucs utiles, peut-être que l’envie de me faire déguster ses poings s’estompera.

… Bon… ce rayon est nul. Je vais autre part. Alors je suis les allées, mon regard survolant chaque article et je me demande presque pour chacun d’eux quel est leur degré d’utilité. et de sympathie. Voyez, j’vais clairement pas me ramener avec un déo en guise de cadeau. Il serait capable de me le faire bouffer. Et franchement, ça serait mérité.

Non, il me faut un truc… doux. Un truc… pour lui faire du bien. Qu’il se détende. Et qu’il pense à moi aussi. Un peu. Et mes yeux s'arrêtent sur ça.

Cette boule de bain aux couleurs succulentes et au parfum lilas vanille. La vanille étant l’effluve qui émane de ma personne. En prenant son bain, il aura en quelque sorte mon odeur et… gnéhéhéhé

PARFA-

quoi ?

Alors que je tendais la main pour l’attraper, mes doigts ont effleuré la venue d’autres.

Je détourne les yeux, et les posent sur toi, petit être à la tignasse grise. Je bats des paupières. Je ne m’attendais pas à tomber sur un gamin à l’air aussi enjoué et juvénile ici.
Ris légèrement.

▬ Ahaha !! Oui on dirait bien.

Mais cette boule est pour moi. Ou plutôt pour Gabriel.
Et tu essaies de déjouer mes plans.
Tssstss petit démon.

▬ C’est pour un cadeau.

Un cadeau égoïste mais, ça, c’est un détail.

▬ Pour quelqu’un qui adore la vanille.

Framboise ?
Je lève les yeux pour fouiller dans ma mémoire. Est-ce que Gaby aime les framboises et le pamplemousse ? Non, impossible. Gabriel est doux, pas acide. Enfin… la plupart du temps…

▬ Parfait, s’il reste des framboises prenez-les !

Mais je vois bien. Tu tiens à cette boule au moins autant que moi ; nos doigts sont arqués autour de la sphère effervescente.

Claquement de la langue.
Nouveau rire. Un peu plus amer.

Bon…

▬ Écoute.

Le ton est très sérieux. J’ai même fermé les yeux et une veine palpite un peu sur ma tempe.

▬ Jouons à pierre-papier-ciseau pour nous départager.

C’est la seule issue.
Ou sinon, je le mange mais bon,
trop de témoins.

Tu ne lâches pas la main de ta prise. Lui non plus. C'est un moment... délicat. D'habitude, on voit ça dans les films où les nanas se crêpent le chignon pour avoir la dernier robe en solde. Pas entre deux gars pour une boule de bain mousse. La situation frôle le ridicule.
Le roux est déterminé. Un cadeau, te dit-il ? Tu hausses un sourcil, intrigué.


- Ah oui ? Il doit y en avoir d'autres avec une touche de vanille.

Tu veux celle au lila. Tu en as besoin. C'est pour te détendre. C'est pour aller avec le parfum de ton shampoing. C'est pour rester deux longues heures dans un jardin d'été qui sent bon.... au milieu de ta baignoire.
Il veut que ce soit toi qui prenne ta proposition. Ton sourire s'accroit entre amusement et agacement.

- Non, c'était pour vous que je le proposais. Mais si la personne à qui vous voulez l'offrir aime la vanille... pourquoi ne prenez-vous pas papaye-vanille ?

Tu ne lâches pas la boule, objet de ta futur acquisition, mais de ton autre main tu lui montres juste à côté la petite boule orangée blanche.

Soudain, l'autre fait une proposition à laquelle tu ne t'attendais pas. Tu clignes des yeux avant de rire.

- Vous êtes sûr ? Car il y a quand même beaucoup de sortes différentes. Néanmoins, si vous y tenez tant, on peut le faire.

Tu prépares ta main, la cachant dans ton dos. Vraiment, c'était absurde.

- Je propose que nous faisons trois manches victorieuses. En cas d'égalité, ça ne compte donc pas. Il faut donc réussir deux fois pour avoir la boule.

Ainsi tu évites au premier perdant l'amertume d'une mauvaise chance.

- Si ça vous convient, à trois. Un, deux... Trois !

Tu dégaines ta main valide et tu fais les ciseaux. Coupe, coupe. Faites qu'il ne sorte pas la pierre.

Au pire... Vanille papaye, c'est bien aussi. Car tu as surtout envie de voir à quel point il veut son lila-vanille.

J’ignore l’indication. Il y en a peut-être d'autres à la vanille et, honnêtement, toute personne souhaitant régler le problème aurait rapidement concéder car, je rappel, c’est vanille qui compte avant tout. Sauf que ben, non. Ahaha. J’ai vu cette boule ; je la veux. Et maintenant que dans ma tête s’est créé ce sentiment de défis, je ne veux pas lâcher l’affaire.
Putain d’égo de merde.

▬ Parce que celle-ci me plait davantage.

Papaye-vanille je m’en cogne maintenant.
J’ai besoin de gagner.

Ton sourire et le mien sont le parfait reflet l’un de l’autre.
Amusement et agacement.
Avec une touche de cordialité qui, en réalité, suinte le ‘’vas manger tes morts, bisou”.

Mon défi t’arrête dans ta tentative de me prendre une boule orange. Tu ris, un peu surpris.
Abandonne tes idées de me faire céder, je remporterai à coup sûr cette partie de pierre papier ciseau. C’était soit ça, soit on se mettait sur la tronche mais bon, flemme de finir en prison. Gaby m’aurait encore regardé avec ses yeux noirs en venant payer ma caution.

▬ Trois manches c’est parfait.

Je retire ma main de la boule afin de commencer. Mais je garde encore quelques secondes les yeux rivés dessus. Sait-on jamais s’il me fait un coup en douce là, de toute façon je le chopperais par le col. Vu son gabarit et mon incroyable force, nul doute que j’arriverai à l’épingler à un mur.

Poignet derrière le dos, je compte avec lui dans ma tête avant de brandir… les ciseaux.
Oh fuck. Lui aussi.

Je tire la tronche avant de lever les yeux ciel, cachant de nouveau mon poing.
A trois…
Je dégaine encore les ciseaux
Et lui le papier.

Mattez-moi ce sourire victorieux et bien pompeux que j’affiche là, en mode j’ai déjà gagné.

▬ J’espère que tu trouveras ton bonheur ailleurs.

La coupe est déjà à la maison avant même que le match n’ait commencé jvous dis.

Dernier round.
Il sort la pierre et je sors une troisième et ultime fois mes bons vieux ciseaux. Malheureusement cette fois, ils m’attirent une défaite. Je claque de la langue, passablement agacé mais rien n’est perdu.

▬ Un partout, dernière manche, petit. A trois….

On fait passablement la même taille mais je suis son aîné.

TUDUUUUM.

Et je brandit le point en guise de pierre.
Il m’aura presque fait transpirer avec ce challe-

quoi ?
non
non
nooooon !!

Il a sorti la feuille.
Impossible.
IMPOSSIBLE.

J'ai la tronche déformée, un oeil qui cille.
J'ai pas perdu, si ?

Tu pars confiant. Lui aussi. Advienne que pourra, car votre combat commence. Si il délaisse la boule de sa main et quitte la tienne, tu fais de même, la reposant dans le rayon.

La concentration monte. Les manches s'enchainent après votre égalité. La tension grimpe de plus en plus alors que tout va se jouer sur cette ultime bataille.

Et là.

Tu n'y crois pas.

Tu étais prêt à perdre.

Et tu gagnes.

Tu lèves les bras en l'air et saute de joie.

- OH YES !

Tu éclates de rire et te saisis de ton bien si habilement gagné.

- Ah HA ! C'est qui qui doit trouver son bonheur ailleurs ?!

Oh ce que ça fait du bien. Mais quand tu vois sa mine déconfite, tu te calmes. Tu poses ta main sur son épaule.

- Désolé, t'avais l'air d'y tenir.

Il avait dit un truc au sujet d'un cadeau. N'est-ce pas un peu égoïste de garder cette boule à bain pour toi, alors qu'il voulait l'offrir ? Tu te mords un peu l'intérieur de la joue, puis souffle l'air de tes poumons. Ton visage trop heureux d'avoir vaincu s'apaise et fait place à un sourire tendre. Tu lui prends alors la mains et y déposes la boule à bain lila-vanille. Tu profites une seconde de plus de la chaleur de sa main, sans savoir pourquoi tu as eu envie d'avoir une nouvelle fois ce contact.

- Si c'est pour un cadeau, prend-là. Elle est pour toi. J'en trouverai une autre fois.

Ou bien j'enverrai Chelsea m'en acheter. Elle pouvait bien faire ça pour son petit frère éreinté, non ?

- Par contre, si c'est un cadeau, il faudrait plus qu'un seul objet. Si tu restes dans le rayon bain, je peux peut-être te conseiller ? Je m'y connais plutôt bien. T'avais dit.... Surtout vanille ? Il y a d'autres parfums qui pourraient aussi intéresser ?

Tu regardes attentivement. Outre lila et papaye, qu'est-ce qu'il y avait de bien ?

- C'est plutôt pour se détendre, pour se revitaliser, pour s'énergiser ?  

Tu cherches à cerner la finalité qu'il veut apporter. Cela pouvait être le tout, pour tout moment et ne pas rester sur une action bénéfique en particulier.

- C'est pour une soeur ? Une petite amie ?

Tu tournes la tête vers lui et te rends compte de l'indiscrétion de la question.

- Tu n'es pas obligé de répondre.... ça ne me regarde pas...

Mais plus tu peux en savoir plus, plus tu peux aider.

- Sinon, y a aussi du sel de bain, ça ne mousse pas, mais ça purifie bien la peau  et tout le bien être qui va avec. Ou les boules seulement odorantes. Ou le tapis masseur. Ah, mais c'est pas vraiment ici.

Non, c'est ailleurs, voire même dans un autre magasin. Comme les lumières ambiances apaisantes que tu allais lui proposer. Mais si c'est pour la famille, il n'a pas besoin d'autant.

Pas possible
Pas possible
IMPOSSIBLE


Moi ? J’aurais perdu ?
J’ai beau regarder le résultat de cette finale, je refuse d’y croire.

Mais rien ne t’empêche de sauter de joie et de hurler à ta victoire. Tu brandis le bras, attrape ton gain, me laissant déconfit, en train de ramer mentalement pour me sortir de l’état de choc d’une défaite alors qu’elle t’étais tout droit destinée.

Ton rire éclate à mes oreilles comme un carillon qui parvient à neutraliser les mauvaises pensées. Te voir si heureux, baigné dans l'insouciance d’une victoire parvient à apaiser un peu ma peine. Laquelle est pourtant perceptible au point qu’elle te coupe dans ton élan. Tu t’excuses même.
Je me renfrogne.

▬ Non, non t’excuses pas, t’as gagné.

Terrible.
J’ose pas énoncer ma défaite à voix haute.

Je regarde ailleurs, fuis ton regard pour feindre de fouiller dans les rayons si je ne trouve pas mon bonheur dans ces étagères parfumées. Après tout, la vanille est plutôt répandue dans les bruits de bain, non ?

▬ Que- ???

Et tu viens saisir ma main, déposant dans ma paume la boule effervescente.

▬ Je ne comprends pas ?

Je t'interroge du regard. Nos doigts encore en contact, j’ai le réflexe de fermer le poing, emprisonnant brièvement tes phalanges avant de les libérer.
Tu me cèdes la récompense, parce que c’est un cadeau. Je n’ai pas menti, la boule n’est effectivement pas pour moi.

▬ Merci mais… Tu es sûr ?

Visiblement oui, ta décision semble définitive. Plus que ça même, tu t’intéresse carrément à mon histoire de cadeau. Tu t’embarques carrément, déjà en train de fouiller le rayon en m'interrogeant de toute part.
Tu m'amuses.

▬ Euh.. non c’est surtout la vanille. Et pour… se détendre, chasser les mauvais souvenirs. Apporter la paix intérieur et susciter le pardon, tout ça…

Jsuis carrément en train de dire ; j’offre un cadeau pour me faire pardonner d’avoir disparu pendant trois ans en ayant laisser croire que j’étais mort, bisou. Blague à part, je m’en veux terriblement. Je serais prêt à tout pour obtenir le pardon de Gabriel.

Et tu continues ton inspection.
Hein ???

Une sœur ?
Une petite amie ?
Bah euh… Aaaahh… c’est très étrange de penser à Gaby de la sorte.

Tu pivotes vers moi, observe ma tronche qui, franchement, trahis mon bug intérieur. Est-ce que je dois répondre ? Comment puis-je répondre ? On en est où dans notre relation avec Gabriel ? Une chose est sûre ; ce n’est pas ma sœur.

Tu lances la perche qui me sauve en revenant sur tes mots, ne m’obligeant pas à donner de réponse. Je me contente de glousser en me frottant la nuque pendant que tu t’emballes, citant bien trop de choses à la suite pour que mon pauvre cerveau parvienne à tout suivre. Je retiens juste.

▬ Hein quoi des massages ?

Faire rouler la peau de Gaby sous mes doigts avec une couche d’huile chaude et l’inciter à se détendre… Eh, en vrai, c’est terriblement tentant ça. Y a juste un hic.

▬ C’est pas un peu risqué ? Imagine, au lieu de lui permettre de se détendre, je lui coince un muscle ou quoi. Jrisque de finir à l’hosto.

Y a pas longtemps, il m’a fait bouffer son parquet. Je veux pas aggraver mon cas en lui froissant les lombaires ou quoi. Jdis ça, jdis rien.

▬ A vrai dire je… je m’y connais pas trop en termes de cadeaux. Je veux juste… lui offrir un moment de calme et de paix. C’est quelqu’un… Ah ! Avec de très beaux cheveux bouclés. Comme un mouton tout doux.

J’ai toujours adoré perdre mes doigts et mon nez dans sa tignasse ondulée et blanche.

▬ Tu penses que y a des trucs pour prendre un bain tout en prenant soin des cheveux ?

Mes yeux se posent sur toi, s’attendrissent sous l’éclat d’un sourire adoucit.

▬ Merci pour ton aide. T’étais pas obligé, surtout que j’ai été un véritable mufle au début.

Ah tiens, toi aussi, tu as les yeux bleus !

Devant son incompréhension, tu lui souris et hoche la tête. Oui, tu es sûr et certain. Encore plus depuis que vos doigts sont restés en contact un instant de plus. Il libère les tiens et tu reprends ta main comme si de rien n'était. En l'écoutant tu comprends que le cadeau qu'il veut offrir est sûrement pour un.e crush. Il a de la chance.

Tu notes mentalement les informations qu'il te donne. Oulà, il a du faire un truc pas cool pour demander le pardon et en faire un cadeau. Sinon, pourquoi il n'essaie pas le resto ?
Alors que tu lui déballes tout ce qui pourrait l'intéresser, il t'interrompt sur les massages. Ils sont donc assez proches en plus pour que l'idée soit à ce point considérée. Cette fois-ci, c'est toi qui bug. Pourquoi il finirait à l'hôpital ? Ce serait plutôt l'autre qui devrait y aller... non ? C'était quoi la relation ???

- Quoi ?

Superbe joute verbal pour marquer ton scepticisme. Encore plus quand appellation de mouton apparait dans la conversation. Étrangement, ça te fait penser à quelqu'un que tu connais. Mais des personnes cheveux blond platine à blancs et bouclés, il devait y en avoir plus d'une. L'État était assez grand pour cela.

Tu délaisses totalement le rayon devant vous pour bien te planter face à lui. Ta mains gauche est posée sur ta hanche tandis que l'autre est brandie devant lui et montre un 1 de l'index.

- Bon, déjà, les massages. Tu n'es pas obligé d'y aller comme une brute. De la douceur. Et si tu n'as pas confiance en ton talent, il y a des cours. Et si tu n'as pas le temps pour ça, il y a des objets qui peuvent faire le taff.

Des petits sièges confortables, des sortes de pistolets masseurs.... bref, il y a de quoi trouver son bonheur.
Tu ajoutes un doigt sur ta main, dressant le majeur pour faire un 2.

- Ensuite, oui, ça existe. Mais je ne suis pas très fan des produits 2 en 1. Parce que la peau du corps ne demande pas les mêmes attentions que les cheveux et le cuir chevelu. Cheveux bouclés, tu dis ?

Tu quittes ta position, arpentes l'étalage et prend LE produit trop bien pour ça.

- Celui-là, il démêle et soigne.

Tu t'arrêtes un instant, fait une petite moue.

- Si c'est un cadeau, pour se faire pardonner et offrir un moment de détente... Fait un panier. Tu prends plusieurs produits qui lui plairaient et pouf !

Il te remercie et tu lui souris d'autant plus, mais avec un petit air canaille qui s'ajoute en plus.

- Oh ça oui, un beau mufle.

Tu appuies bien sur le mufle. C'est lui qui l'a dit en premier de toute façon. Et tu détournes rapidement à l'opposé de lui parce que tu lui a malgré tout fait un compliment sur sa beauté.

- Donc, un panier, ça te dit ? Une ou deux boules à bain, un soin capillaire, pourquoi pas une huile et de la crème aussi ? Le tout dans les mêmes senteurs pour ne pas faire une cacophonie d'odeur. Tu en penses quoi ?

Tu ne vas pas tout faire. Il te faut son accord, même si grâce à lui les goûts ont été cernés.

Tu tires une tronche de mec qui comprends pas trop et qui ponctue par un “quoi ???” auquel je ne me vois pas m’avancer. Comment t’expliquer que je me fais battre et qu’au lieu de fuir loin, je viens ici chercher un cadeau. Un cadeau susceptible de m’envoyer à l’hosto si je gère mal mon attention et surtout si je me lance dans un massage qui aura l’effet absolument inverse de ce pourquoi j’aurai essayé de prendre des cours.

Du coup, je pense que des soins pour que Gaby puisse prendre soin de ses tiffs, c’est quand même moins risqué. Quant à savoir qui de lui ou de moi profitera le plus de ses cheveux soignés… eh bien on verra ça plus tard.

Le scepticisme fuit ton visage et tu te plantes face à moi, la main sur la hanche et l’index levé. Bordel on dirait une de mes anciennes prof.
Je dois écouter attentivement ou pas ? Jamais eu l’habitude de rester bien sagement à prendre des notes, j’étais plutôt du genre à finir dans le bureau du principal pour "outrage à instruction."
Mais là, c’est pour la bonne cause donc, j’écoute, je hoche la tête, vire tous mes neurones vers la concentration.

De la douceur ?
Quoi ?
Avec Gaby ?
Eh.
Eheheheh….
en vrai
oui.
J’achète.

Par contre prendre des cours… pourquoi pas mais je doute pouvoir être au top dès ce soir.

▬ Non les cours c’est trop long. Là disons que c’est urgent. Peut-être sur le long terme plus tard.

Les objets ne me parlent pas de fou en réalité. Quitte à opter pour le massage, j’irais de mes doigts. Alors je hausse les épaules, comme pour dire “ouai, bof.”

Ah, tu passes à la partie deux des bonnes idées.
Très bonnes idées.
Même le flacon que tu tiens est d’accord.

▬ Ahah ! Pour être honnête, j’y connais absolument rien.

Et vla que jvais passer pour un crado. Trop bien.
Alors je noie le poisson en m’excusant. Tu enchéris sur le mufle. Je tire la moue mais au final, jcrois pas l’avoir volé. J’accepte en pouffant du nez, yeux baissés.

▬ Je te laisse me guider ? T’as l’air de beaucoup mieux connaître l’endroit que moi.

Tu serpentes à travers les rayons avec pour indication un panier de vanille et tu sais s’ils font aussi du thé ?

Dans ma rêverie où je vois le visage méfiant de Gaby face au cadeau, avant qu’il ne s'adoucisse en vue du thé, je ne prête pas attention à ce qui traîne au sol, pas loin de tes pieds.

Les rayons sont remplis de fiole en tout genre. Aux liquides miroitants et épais. Les bouteilles faites de verre ne sont malheureusement pas assez solides pour les conserver en cas de chute.

Alors sans faire attention, le nez en l’air vers les étagères, tu mets le pied dedans. Et tu glisses, emporté par ton poids et ton élan, tu glisses vers une chute qui conduira ton dos à heurter le sol.

Mais mon corps agit tout seul. C’est instinctif. Et je viens stopper ta progression en te rattrapant. Une main plaquée sur tes lombaires, l’autre qui te tient le bras. Quelque chose tombe au sol pour s’y éclater. Genoux fléchis, je me redresse pour t’aider à faire de même.
Et je pouffe doucement de rire.

▬  Ola attention. Qu’est-ce que je deviendrais sans mon personal shopper ?

Et je réalise que j’ai les mains vides et que la boule de bain est éclatée au sol.
L’horreur se dessine sur mon visage et mes cheveux se hérissent sous l’injustice et la catastrophe.

Il refuse certaines de tes propositions, comme les cours de massage, mais tu as bien compris avec ses précédents propos que les massages, il faut donc les éviter. Au moins, c'est clair. Au niveau des goûts, il insiste sur la vanille. Alors tu crées un panier principalement composé de cet élément, mais parfois agrémenté de savoir qui peuvent se marier bien avec. Il te donne les rênes, tu deviens le roi tandis qu'il se repose sur toi. Tu lui offres un sourire qui signifie "tu peux compter sur moi" alors que tu lèves le pouce à son encontre.

Vanille.
Vanille-lila.
Vanille-passion.
Vanille-miel.
Vanille...

Du thé ?

Tu hausses les sourcils en te retournant vers lui. Il avait dit ne pas s'y connaitre et là, il te sort un truc très recherché. Il cache bien son jeu.

- Je ne pensais pas que tu le suggérerais. Hmmm...

Tu jettes un dernier regard dans le rayon. Non, rien.

- Pour ça, il faut aller dans une boutique plus spécialisée pour avoir un vraiment bon produit. La crème pour le corps au thé matcha sent trop bon en plus !

Tu l'as offerte à une de tes soeurs pour le dernier Noël et tu te souviens de son air ravi et de l'odeur qui embaumait son passage après qu'elle l'ai appliquée sur son corps pour l'hydrater.
Pour toi, il parlait toujours de produits de beauté et non pas de thé à boire. Le sujet n'avait pas changé dans ton esprit.

- Je finis ton panier avec ma sélection et je peux te donner l'adresse.

Tout affairé que tu es, tu ne le laisses pas en placer une et se corriger. Tu avances dans le rayon, le nez un l'air à la recherche d'un produit en particulier, quand soudainement, tu trébuches. Tu n'as pas le temps de comprendre le pourquoi du comment. Qu'est-ce qui a causé cette perte d'équilibre ? Pourquoi tu chutes ? Pourquoi tu ne rencontres pas le sol ?
La main dans ton dos, tu la sens pourtant très bien. Celle sur ton bras aussi. Il t'a rattrapé.
On pourrait presque croire que vous vous apprêtez à danser.
Il rit. Tu rougis.
Ses mots mettent en valeur ta maladresse.
Mais ils soulignent ta valeur en ce moment précis.

- ...En effet...

Tu souffles tes mots presque comme un murmure.
Tu te remets droit et t'écartes en peu. Ta main passes dans tes cheveux, comme pour vérifier qu'ils sont toujours attachés. En réalité, c'est pour t'occuper les mains alors que la gêne te gagne tout comme un coup de foudre entre le gel douche et le shampoing.

- Hm... donc... On dis....

Tu arrêtes ta phrase quand tu vois son visage horrifié. Tu baisses le regard et la vois, brisée, éclatée, répandue. C'est un peu de ta faute... Alors tu te veux rassurant. Maintenant c'est toi qui poses ta main sur son bras.

- Ne t'en fais pas pour ça. Soit on part ni vu ni connu, soit... ça reste un accident et on part ni vu ni connu...

Oui, dans les deux cas, tu offres la fuite.
Pire que cela. Tu la lui imposes en venant lui prendre la main et le tirer dans ta suite vers un autre endroit du magasin. Ni vu, ni connu, as-tu dis. Un air dégagé, tu choisis le rayon des pâtisseries. Il faut faire comme si ce n'est pas vous. Cela te permet également de penser à autre chose que sa main qui s'était posée si bas dans ton dos. Et à cette main chaude que tu entraines avec toi.

- Je crois qu'on a tout pour toi ?

Tu lui tends alors ton panier de courses qui, même s'il a été secoué, est intacte.

- AH ! Non ! L'adresse pour les produits au thé !!

Tu fouilles tes vêtements. Tu dois avoir un morceau de papier pour lui noter l'adresse. Pas la poche avant du jean. Pas dans la veste. Ah, le voilà dans la poche arrière. En revanche, aucun signe d'un crayon ou d'un bic pour écrire.

- Tu aurais un stylo ?

Tu as ce petit air du mini aventurier fort sympathique et dont la générosité est naturelle, non forcée. Ton pouce en l'air, ta mine ravie, l'air de dire "t'inquiète, tu peux compter sur moi". Et tu es visiblement bien mieux informé que moi. Je te laisse les rênes, t'aiguille simplement sur mes choix. Des choix forts recherchés et variés on le rappelle : 100% vanille, 100% mon odeur, 100% ce que je vais offrir à Gabriel. Je veux embaumer sa salle de bain, ad vitam aeternam. Imprégner sa peau d'un effluve qui lui rappellera nos doux souvenirs. A tous les coups je me fais griller et répudier, il me met dehors à coups de "sale imbu dont l'égo flirte avec l'abus". M'enfin, je prends le risque. Une touche de thé, rien d'égocentrisme, pour terminer le tout.

Tu as l'air étonné. Comme si je te sortais quelque chose que seuls les habitués ou expérimentés connaissent. Je reconnais que les saveurs de thés ne s'apprécient réellement que rarement. Attends... une boutique spécialisée ? ... du... lait pour le corps ??

▬ euh non c'est pas...

Mais te voilà déjà parti, virevoltant à travers les rayons comme si tu étais chez toi. Plus enthousiaste que moi. La vue m'amuse, alors je te laisse faire, commissures arquées. T'as l'air passionné. Au point que je me demande si tu ne travailles pas ici ou dans une boutique associée. Et t'es tellement pris dans ton élan, dans ton enthousiasme que tu ne vois pas la flaque traîtresse à tes pieds. Tu ne te vois pas glisser. Tu ne te vois pas tomber, chuter. J'interviens sans réellement m'en rendre compte, rattrapant ton corps avant l'impact final. Tu es drôlement léger pour faire à peu près la même taille que moi.

Je ricane, te remettant sur pieds, ignorant totalement la gêne que tu peux avoir car l'effroi a pris place dans ma vie entière d'aujourd'hui. La boule de bain éclatée au sol, mes rêves et mes espoirs de voir Gaby clapoter dans l'eau savonneuse et douce parfumée à la vanille s'envolent, faisant de moi un homme très
très
triste.
Désillusions,

quand ta main se porte sur mon bras. Tu as l'aura réconfortante et les paroles d'un voyou.
J'écarquille les yeux. Et tu m'emportes déjà pour fuir loin du délit.
On court, traverse les rayons, zigzaguant et driftant comme l'auraient fait deux gangsters incroyablement coupables.
Courage fuyons.

La situation est tellement improbable, au vu de nos premiers mots échangés, qu'à l'arrêt, je finis par m'esclaffer, tapant des paumes sur les genoux.

▬ Quelle échappée !! Je crois que la vieille dame du rayon cure-dent a des soupçons. Espérons que ses lunettes ne soient plus trop à sa vue.

On aura vu mieux comme discrétion mais eh, honnêtement, on s'en fout. Cette montée d'adrénaline, aussi fine soit-elle, suffit à balayer ma peine. Après tout , le panier est déjà bien rempli. Et tout est nickel, zéro casse. C'est une prouesse.

▬ Je crois que c'est pas mal.

J'ai les yeux dans le panier, plutôt satisfait. Merci encore. Vraiment, ton aide m'a été précieuse.Je pose une main sur ton épaule, le sourire adoucis. Ah ? Ah oui le thé !

Te voilà en train de fouiller tes poches, en tire un papier mais pas de stylo.
Je m'esclaffe, repensant à la confusion.

▬ Tu sais, je parlais de thé à boire. J'ignorais totalement que ça existait en... en lait tu as dis ? Vraiment incroyable... Ah ! Oui, non attends, je n'ai pas de stylo mais...

Je tire mon portable de ma poche, ton épaule relâchée.

▬ Tu peux me l'envoyer par message ? Je suis curieux de voir ça... du thé en lait sur le corps !

Un éclat de rire, j'espère que la vieille dame a aussi une ouïe pas terrible.

▬ Je vais y aller tout de suite.