((bavard - chaotique - charismatique - charmeur - désinvolte - dragueur - égoïste - expressif - fantasque - sociable - impulsif - insolent - lache - manipulateur - observateur))

Emmett est sympathique.

Toujours charmant et agréable, toujours le mot pour rire ; pas vraiment dur à vivre, il ne se vexe jamais, n'a jamais un mot plus haut que l'autre, et ses compliments semblent toujours sincères et recherchés. Il rit à vos blagues nulles, prend régulièrement de vos nouvelles, et vous propose de vous aider à emménager dans ce nouvel appartement que vous venez de louer. Dans le bus, il laisse toujours la place aux personnes âgées.

Emmett est vraiment très sympathique.

Vicieusement aimable et un poil dragueur peut-être ; mais c'est bon enfant, jamais inapproprié, vraiment. C'est agréable de lui parler, il a tellement de choses à raconter, il ne s'essoufle jamais ; et sans pour autant oublier de vous écouter après, de vous laisser un peu l'occasion d'exister dans son ombre. Il retient tout ce que vous lui dites, observe vos habitudes, mémorise votre routine, et s'adapte à votre confort. C'est dur de ne pas laisser tomber sa garde à ses côtés.

Emmett est franchement trop sympathique.

C'est terrifiant cette non-chalance qu'il a, surnaturel cette façon d'être à l'aise dans toutes les situations. Elle pèse anormalement lourd sa main sur votre épaule, aucun geste ne semble anodin, aucun mot vraiment dérisoire et ses sourires cachent autant de promesses que de provocations. Il aime vous regarder Emmett, c'est appréciateur parfois, on en rougirait ; le reste du temps, c'est juste oppressant.

Emmett est sympathique. Mais, très sincèrement, Emmett vendrait votre mère, s'il le pouvait.

Ou peut-être qu'il la boufferait. Juste pour voir ce que ça vous ferait.

Brighton, 1873 - 1900


Les nouveaux riches tiennent la ville au creux de leur paume ; la famille Bishop ne fait pas exception, et ses usines ferroviaires se dressent fièrement dans le paysage, parsèment le ciel de nuages gris. L'Angleterre se fait engloutir toute entière par une révolution faites de machines et de charbon, de serpents de métal qui transpercent les campagnes et personne ne sait encore s'il faut s'inquiéter de la grisaille environnante, ou se réjouir des nouveaux emplois créés. Les Bishop, eux, se réjouissent ; ils n'ont jamais été aussi riches, et ils ont la conviction, lorsqu'ils lachent leur dernier soupir et viennent léguer leur florissante entreprise à leur unique fils, que tout est entre de bonnes mains.


Bien entendu, Jack Bishop, en bon héritier, dilapide immédiatement la fortune de sa famille dans l'alcool et les putes.


Les usines fermeront leurs portes un mois après qu'il ait reçu les clés ; plus d'une centaine d'emplois supprimés. Selon les témoins sur place (d'anciens travailleurs venus lui casser la gueule), sa seule déclaration à ce sujet aura été "Des usines ? Quelles usines ?" avant de s'évanouir promptement dans le caniveau.


Jack quittera la ville peu de temps après (ironiquement, sur les rails que sa famille avaient fait construire), et plus jamais le nom de la famille Bishop ne fut de nouveau prononcé.


Southampton, 1900 -1911


Dépouillé de richesses et d'amour propre, Jack se retrouve au seul endroit où on accepte encore de rémunérer les soulards : sur un bateau de pêche, le coeur au bord des lèvres, à remonter des filets à longueur de journée. C'est une routine qui lui paie ses verres et sa compagnie ; il s'en contente, c'est un homme simple, vous savez. La journée, il tangue sur son navire, et le soir, il tangue dans les rues, complètement éméché et inconscient.  Une cible facile, somme toute, et combien de fois s'est-il fait voler ses chaussures dans cet état là. Ce qu'il ne pensait pas qu'on lui volerait un jour, sans doute, c'était son humanité.

Vautré dans son propre vomi et déchiré par la supplice d'un corps qui se meut, "Promis j'arrête de boire," Jack s'était dit entre deux cris.

S'il ne reste comme souvenirs que son abominable douleur, Jack ne s'en inquiète pas ; ce n'est pas la première fois qu'il se réveille avec la gueule pateuse et aucune idée de ce qu'il a pu faire la veille. L'envie de goûter les doigts de sa voisine, ça, en revanche, c'est tout à fait nouveau et singulier.

Jack découvre un nouveau corps, un nouveau goût à la chair et, accessoirement, qu'il est bien incapable de tenir ses promesses.


New York, 1912 - 1930


Lorsqu'un malheureux et tragique accident en mer  décime une petite portion des habitants de Southampton (et, promis, il n'avait rien à voir de près ou de loin avec ce gigantesque paquebot) et qu'une guerre décide d'éclater en Europe (là encore, promis, rien à voir avec lui), l'ambiance devient un peu trop morose pour lui et il devient grand temps de changer d'air, de continent.

Ah, doux rêve américain !

Dans sa cadillac il trace les routes de l'Est et la Cinquième Avenue, autour de lui il voit les grattes-ciel pousser comme des arbres, une forêt de bitume au-dessus de la fourmilière ; déguste ses meilleurs repas sur le pont de Manhattan, rencontre monstres féroces et séduisants protecteurs. Il sait que l'Ouest a encore plus à offrir, mais il s'installe quelque temps ; en pleine prohibition, il ouvre son bar illégal, hôte des plus grandes fêtes clandestines de la capitale sur ses plus beaux airs de jazz, et vient échouer son corps dans les bras de flappers espiègles ; il en épouse une, et elle le divorce presque aussitôt. Au milieu de l'ivresse et la débauche, les fontaines de champagne et les costumes trois pièces, elle l'a retrouvé -car ce sont des retrouvailles, n'est-ce pas ?- muse de ses soirées, incarnation de ses vices, son coeur lui prête aussitôt allégeance et sa bouche embrasse le sol sur lequel elle marche.

La loyauté de Jack ne réside que chez elle et chez ses propre lubies à lui, sa vie terriblement humaine et imparfaite ;  et comme un métronome il oscille avec enthousiasme entre gangs et gardiens de la paix, sans aucuns scrupules il vend ses collègues pour se racheter une conduite, et dévore quelques policiers la nuit d'après pour rééquilibrer son karma, avant de se faire gracieusement châtier par quelques humains armés. Il manque bien sûr de se faire trancher la tête à plusieurs reprises.

Les meilleures années de sa vie.


Los Angeles, 1931-1950


Après une vie d'usines qui ferment, de guerres mondiales, de paquebots qui coulent et un krach boursier aussi dévastateur qu'inattendu, Jack réalise avec stupeur qu'il est comme un oiseau de mauvais augure, toujours au mauvais endroit au mauvais moment ; sans surprise, son bar (tout à fait légal) fait faillite lors du krach. Quelle injustice ! Quelle tragédie ! Et les habitudes ont toujours la vie aussi dure, alors, il est temps de se laisser porter vers d'autres horizons, loin de tous ces problèmes. Son coeur se déchire de lui dire au revoir ;  mais, "promis, nous nous écrirons" ! lui dit-il avant de prendre la route vers son destin.

Haut les coeurs ! Jack est généreux, il est prêt à offrir aux Américains la seule chose qui pourra les sortir de cette soi-disant "Grande Dépression" (ils sont si dramatiques) : lui, dans un blockbuster, affiché sur grand écran. Il fallait y penser.

La ville grouille de monstres et de protecteurs, et il ne sait même plus où donner de la tête. Mais Hollywood lui ouvre grands les bras, pense-t-il ; il est persuadé que marcher là-bas comme si les lieux lui appartenaient lui suffira à décrocher un rôle (ça ne semble pas bien compliqué) ; il s'américanise comme il peut, se renomme Daniel pour la forme, couche avec la plupart des producteurs qu'il croise, et mange quelques-uns de ses rivaux. Et enfin ! Le dur labeur paie toujours, car il décroche son premier rôle ; une apparition de deux minutes dans un film avec John Wayne, en arrière-plan, et de dos. Le début de la gloire ! Les Etats-Unis vont enfin pouvoir se relever.

Il est très déçu d'apprendre, au final, que la véritable solution fut dramatiquement trouvée par les Allemands, d'une toute autre manière. Jack n'y avait, hélas, pas pensé.

Naturellement, Jack fait ce qu'il sait faire de mieux ; rester planqué jusqu'à ce que la guerre se termine, et qu'on ne lui demande pas où il était passé. Il ne fait plus vraiment bon vivre à Hollywood pendant la fièvre rouge de la guerre froide ; ah, que de malheurs ! Il est déjà l'heure pour Daniel de prendre une retraite bien méritée et de repartir sur la route alors qu'on commence tout juste à lui demander si "tu serais pas une saloperie de communiste toi par hasard".


San Jose, 1950 - 1988


Renommé John (en hommage à son ancien collègue), il vient garer se nouvelle Cadillac et poser ses valises sur le perron d'une maison nouvellement acquise, en plein coeur de la banlieue ; sa pelouse est verte et impeccable, et il salue chaque matin son voisin par-dessus la haie avant d'aller au travail. Il y fait la délicieuse rencontre de sa future femme, puis future ex-femme, lorsqu'il rencontre se nouvelle future femme dans le travail suivant ; elle aussi future ex-femme, car il est pris de cette réalisation inattendue -ça alors !- qu'il préfère largement être l'amant plutôt que le mari.

Tout est on ne peut plus normal.

S'il ne parvient pas à rentrer dans le moule de la famille nucléaire (on ne peut pas être parfait), John est considéré comme un homme travailleur et charmant, qui a toujours un mot gentil pour ses voisins, et n'hésite surtout pas à les raccompagner le soir, lorsqu'ils craignent de rentrer seuls dans les rues mal famées de San José.

Il sait que c'est dangereux de chasser si près de San Francisco et de sa horde de protecteur, mais il ne peut simplement pas s'en empêcher.

Il voudrait juste avoir l'audace de les admirer d'un tout petit peu plus près.


Death Valley, 1988 (pendant, genre, deux ou trois heures)


Voyage éprouvant et pathétique où il n'a vu que du sable et des cailloux.


Las Vegas, 1989 - Present Day


Il avait vu les images dans les magazines, et sur l'écran de sa toute petite télévision (l'apparition des couleurs l'épate encore !), et du bouche à oreille comme une rumeur un peu folle ; son voisin y avait été en vacances, lui avait tout raconté, et la discussion avait finie dans les cartons de sa maison nouvellement vendue.

Le ville du péché semble lui tendre ses bras, l'appelle chaque année ; et il s'est enfin décidé à décrocher le combiné.

Emmett lui offre tout ce qu'il a à lui offrir, ses lambeaux d'âme et ses vices ; fini le petit train tranquille de la banlieue, il ne veut plus s'abreuver que des néons et du bruit des machines à sous. Tout ce qu'il y a à claquer, il le claque, l'argent de sa maison et autres économies durement gagnées ; il a l'expérience de toute une vie derrière lui pour le guider assez loin des échecs cuisants, juste assez pour ne pas se retrouver à la rue, ou simplement évanoui sur le trottoir (la belle époque).

Il est engagé pour tout et n'importe quoi ; racoleur, sosie d'Elvis, magicien, danseur de cabaret, ses compétences sont anormalement nombreuses et variées, comme un chien de cirque à qui on aurait enseigné quantités de tours ; et toute la ville évolue et grandit plus vite qu'il ne peut la suivre, et c'est parfait.

Emmett aime le jeu, et le jeu le rend audacieux ; et Emmett vient admirer les protecteurs d'un tout petit peu plus près.

Ce n'est pas tant qu'il souhaite saboter sa propre espèce, ou contribuer à un camp plutôt qu'un autre, mais c'est si fascinant de les voir faire ; si exaltant de les voir dépendre, ne serait-ce qu'un tout petit peu, des informations que seule une personne de sa nature peut détenir. Employé exemplaire au casino, Emmett donne de sa personne pour charmer les joueurs et ne pas éveiller les soupçons depuis déjà trois ans ; et ici et là, il se lie aux protecteurs les moins récalcitrants. Un échange de bons procédés dirons-nous, je garde un oeil sur ma ville monstrueuse pour toi, et tu ne me coupes pas la tête ; plutôt équitable.

Et consciencieusement, Emmett s'élance avec abandon dans le jeu le plus dangereux de sa vie, sans doute,
et jamais, durant cette longue vie, il n'a eu le courage d'être aussi lâche.

Pseudo : Maë
Âge : 23
Pronoms : elle
Comment tu nous a connu : contre mon gré (jrigole jvous aime)
Commentaire : pardon d'habitude j'écris pas des histoires longues mais là avec emmett c'était difficile de raconter sa vie sur un post-it mais vraiment j'espère c'était pas indigeste ENCORE DESOLEE